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RENAISSANCE DE HARLEM

La poésie

Countee Cullen, l'un des premiers protégés de Locke, en vint à braver quiconque suggérait que ses origines raciales devaient déterminer son patrimoine poétique. Fidèle à l'exemple donné par John Keats et Edna St. Vincent Millay, il considérait que l'héritage poétique anglo-américain lui appartenait autant qu'à n'importe quel Américain blanc de son époque. Dans son manifesteThe Negro Artist and the Racial Mountain (1926, « L'Artiste noir et la montagne raciale »), Langston Hughes professa au contraire, selon une formule connue, que les poètes noirs devaient créer un art « nègre » caractéristique, luttant contre l'incitation à se rapprocher de la race blanche ».

La position de Langston Hughes révèle comment, parallèlement au primitivisme, la tendance à encourager les formes artistiques américaines « authentiques » – et à les trouver dans l'Amérique noire – amena les auteurs noirs à se rapprocher des gens du peuple. Leur intérêt pour ces derniers se manifesta par ailleurs à une période ou les anthropologues américains influencés par Franz Boas révolutionnaient leur discipline en développant des arguments contre les paradigmes racistes hérités du passé. Les gens du peuple – les habitants du Sud rural en particulier, mais aussi les nouveaux émigrés venus s'établir dans les villes du Nord – étaient supposés porter en eux les germes de l'épanouissement artistique noir dans une autonomie relative par rapport aux traditions « blanches ». Ainsi dans le poème The Creation (1920, « La Création ») puis dans le recueil God's Trombones (1927, Sermons noirs), James Weldon Johnson adapta les sermons noirs américains traditionnels en vers libres selon des formes poétiques reprenant les techniques des pasteurs noirs.

S'inspirant du jazz et des chansons populaires du Sud, Jean Toomer expérimenta une prose poétique innovante dans un chef-d'œuvre dense qui traverse les genres, Cane (1923, « Canne »), que beaucoup considérèrent comme une manière radicalement neuve de décrire la vie quotidienne des Noirs. Se refusant à adopter un ton moralisateur ou explicitement contestataire, le livre multiplie les symboles, expressions, sonorités et rythmes issus de la musique traditionnelle noire et du jazz. Entremêlant poèmes, saynètes, nouvelles et récits, il réunit dans un ensemble harmonieux les techniques littéraires modernistes les plus pointues et le style noir américain en évoquant tantôt le Sud rural, tantôt le Nord urbain. S'il expose les effets violents de la suprématie blanche, il s'abstient de faire des sermons ou de donner des leçons de morale. Il aborde par ailleurs la sexualité plus ouvertement que tout autre texte alors jamais écrit par un Noir dans l'histoire de la littérature américaine. Pour nombre de jeunes écrivains noirs, Cane annonçait ainsi un avenir possible de la littérature. Paradoxalement, même quand il acheva son chef-d'œuvre, Toomer ne se percevait pas comme un Nègre mais comme le premier membre d'une « nouvelle race » née d'un métissage spécifiquement américain des peuples de l'Ancien Monde. Niant toute identification avec la Renaissance nègre, il considérait ce qualificatif comme impropre et trop restrictif pour son œuvre.

En explorant la langue vernaculaire et les formes lyriques noires, Langston Hughes construisit, à l'inverse, son projet artistique sur l'identification avec les masses nègres. Influencé par des poètes contemporains blancs tels que Carl Sandburg et Vachel Lindsay mais aussi inspiré par l'exemple de Paul Laurence Dunbar, il évoqua dans son premier recueil, The Weary Blues (1926, « Les Blues du désespoir »), la vie ouvrière et la culture populaire noire ainsi que ses propres expériences de vagabondage dans les Caraïbes, en Afrique et en Europe. Dans l'opus suivant,[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature à l'université de l'Indiana à Bloomington
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

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  • HUGHES LANGSTON (1902-1967)

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    Née le 7 janvier 1891 à Notasulga, en Alabama, Zora Neale Hurston prétend avoir vu le jour dix ans plus tard à Eatonville, en Floride. Sa famille...

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