RENAISSANCE FRANÇAISE, arts
Le style à l'antique
Les années 1540-1550 sont décisives pour l'avenir de la culture et de l'art français : elles voient le début d'une « haute Renaissance » qui s'épanouira dans la décennie suivante, sous le règne d' Henri II. Les humanistes multiplient les éditions et les traductions des textes classiques, Du Bellay et Ronsard exaltent la valeur de la langue française et annoncent la naissance d'une poésie nationale, les artistes créent des formes nouvelles inspirées de l'art antique et de l'art italien du Cinquecento. Le style de la Loire et les formes récemment inventées dans la région parisienne se trouvent brusquement rejetés dans le passé – à l'exception, évidemment, du décor de Fontainebleau. Dans tous les domaines une nouvelle génération, sûre d'elle et « nationaliste », prend le relais.
Contrairement à ce qu'on avait observé trente ans plus tôt, les innovations ne sont pas liées à un phénomène de mode limité à un milieu restreint, mais à une exigence culturelle commune à toute l'« élite ». Aussi apparaissent-elles dans toute la France autour de 1540, à Paris, Rouen, Orléans, Fontenay-le-Comte, Toulouse, Autun, Ancy-le-Franc, Joinville... Partout on emploie de façon systématique les ordres, les bossages, les ornements antiques connus par une expérience directe, par des dessins ou des gravures (avant tout les planches du traité de Serlio). Pour la première fois, le roi ne joue aucun rôle direct dans ce changement qui se produit de façon spontanée – preuve évidente de la maturité de la Renaissance française et du succès de la politique culturelle menée depuis 1515.
Le Louvre, commencé par François Ier en 1546, un an avant sa mort, résume toutes les ambitions de cette génération et conclut magnifiquement l'œuvre du « grand roi François ». Le projet conçu par Pierre Lescot ( Jean Goujon exécutant l'admirable décor sculpté) associe de façon très originale des dispositions françaises – le jeu contrasté des volumes, l'importance attribuée aux travées verticales, le goût d'un décor fin en faible relief – à un répertoire italien et antique extrêmement riche (bossages d'angle, ordres superposés, étage attique, frontons sur consoles, incrustations de marbre...). Il suffit de comparer le Louvre à Écouen, commencé dix ans plus tôt, pour mesurer l'importance des changements survenus en très peu de temps : Lescot et Goujon ont créé du premier coup une œuvre « classique » qui va inspirer pendant deux siècles l'architecture française.
Le Louvre, cependant, ne représente qu'un aspect de l'activité architecturale de ces années prodigieusement fécondes. À partir de 1547, Philibert de L'Orme élève à Anet, pour Diane de Poitiers, un édifice tout différent où il recherche de façon systématique les solutions inattendues, les formes rares, les effets paradoxaux. Attaché encore plus que Lescot aux habitudes de construire françaises, de L'Orme veut en même temps étendre au maximum les possibilités expressives du nouveau style, suivant en cela l'exemple de Michel-Ange. L'œuvre de ce virtuose va stimuler l'imagination : de nombreux architectes (Bullant, Du Cerceau...)
utiliseront de la façon la plus libre, pendant plus d'un demi-siècle, les ordres et les bossages, créant ainsi un maniérisme français nettement distinct du classicisme de Lescot.
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Écrit par
- Jean GUILLAUME : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
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