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ALLIO RENÉ (1924-1995)

L'entrée de René Allio dans la vie artistique se fait par la peinture, une peinture abstraite fondée sur la trace du geste, manifeste de jeunesse qu'il revendiquera comme l'unité profonde de son œuvre, théâtrale aussi bien que cinématographique En collaboration avec Roger Planchon, au théâtre de la Cité de Villeurbanne, il accède à la notoriété en proposant une lecture scénique moderne des classiques : Molière, avec Georges Dandin (1959) et Tartuffe (1960) ; Marivaux, avec La Seconde Surprise de l'amour (1959) ; Marlowe, avec Édouard II (1960), etc., sans oublier les auteurs contemporains : Adamov, avec son adaptation du roman de Gogol Les Âmes mortes (1961) ; Gatti, avec La Vie de l'éboueur Auguste Geai (1962), Planchon lui-même, avec La Remise (1962), Brecht enfin, qui fut pour le théâtre de ces années-là une découverte capitale (Schweyk dans la Seconde Guerre mondiale, 1959).

C'est par l'adaptation d'une nouvelle de cet écrivain qu'Allio fait son entrée dans le cinéma, avec La Vieille Dame indigne (1965), son film le plus célèbre. Plus que d'une esthétique, il s'inspirait d'une morale de la liberté, dont il fera sa marque personnelle : obstinément, ses personnages se fraient un difficile chemin dans la vie, se construisant dans les épreuves sans renier leurs origines. Cette quête aurait dû aboutir avec Le Bon Petit Henri, projet ancien que son auteur n'eut pas le temps de conduire au-delà de la rédaction du scénario.

La Vieille Dame indigne était un hommage à Marseille, sa ville natale, vers laquelle Allio est sans cesse revenu, jusqu'à sa dernière réalisation pour la télévision, Marseille, la vieille ville indigne (1993). Entre ces deux films, outre un émouvant documentaire autobiographique, L'Heure exquise (1981), il a fait de Marseille le personnage actif de deux longs-métrages de fiction : Retour à Marseille (1980) et Transit (1990) ; cette même ville avait été, partiellement, un personnage de Pierre et Paul (1969). Être fidèle à Marseille était pour Allio une manière d'être fidèle à ses origines populaires. Il fut l'un des rares cinéastes français à parler avec justesse et émotion des milieux modestes dont il était issu. Il fonda en 1980 le Centre méditerranéen de création cinématographique (C.M.C.C.), qui se donnait pour but d'aider les cinéastes travaillant au contact des réalités régionales et de faire de Marseille un lieu d'attraction pour les cinéastes méditerranéens. L'expérience échoua pour des raisons financières. Il en reste, au niveau de l'œuvre, l'adaptation de la vie rêvée d'un ancien marin marqué par les vieux récits d'aventures : Le Matelot 512 (1984). Il évoqua aussi le milieu théâtral dans L'Une et l'Autre (1967), tandis qu'avec Rude Journée pour la reine (1973) il rendait justice à l'imaginaire populaire, envers lequel il s'estimait redevable.

L'autre orientation de ses films, Allio la doit à son expérience de costumier-décorateur, soucieux de s'inspirer des grands peintres réalistes qu'il admirait, en particulier Chardin et les frères Le Nain, mais aussi à son goût pour l'histoire, celle des anonymes dont la trace est difficile à démêler dans le récit tumultueux de la “grande” histoire. Dans ce registre, il s'imposa avec Les Camisards (1970). Sa maîtrise dans le traitement de situations historiques liées aux transformations de la France rurale se déploya en 1976 avec l'adaptation du mémoire d'un meurtrier du début du xixe siècle, exhumé et étudié par Michel Foucault : Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère. Un médecin des Lumières (1988), réalisé pour la télévision avec des moyens de cinéma, est une analyse pénétrante du changement dans les campagnes à la veille de la Révolution,[...]

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Écrit par

  • : écrivain et critique de cinéma, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, docteur de troisième cycle, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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    • 3 médias
    ...collaborations avec Roger Blin (Les Nègres en 1959, Les Paravents en 1966, de Jean Genet) et Roger Planchon (Troïlus et Cressida de Shakespeare, en 1964). Quant à René Allio, il définit ainsi sa pratique : « Pour chaque pièce, inventer une sorte de langage de l'œil qui soutienne les significations de la pièce,...