BOUSQUET RENÉ (1909-1993)
Né le 11 mai 1909 à Montauban (Tarn-et-Garonne), fils de notaire et docteur en droit de la faculté de Toulouse, René Bousquet était devenu, à vingt ans, chef de cabinet du préfet du Tarn-et-Garonne. Rendu célèbre, dès mars 1930, par le sauvetage de plusieurs personnes qu'emportait une inondation et fait chevalier de la Légion d'honneur à titre exceptionnel, il fut détaché à la présidence du Conseil pour la reconstruction des départements du Sud-Ouest. Sa carrière préfectorale le conduisit dans les postes de sous-préfet à Vitry-le-François (1938), de secrétaire général à Reims (1939), de préfet de la Marne (septembre 1940) et de préfet régional de Champagne (1941). Mais son serment de fidélité au maréchal Pétain, chef de l'État français, la confiance de Pierre Laval et sa conception de la souveraineté française dans les affaires de police l'amenèrent à devenir le complice actif de la déportation des juifs de France.
Conseiller d'État en service extraordinaire, il exerça des prérogatives ministérielles en qualité de secrétaire général à la Police à partir du 18 avril 1942 et laissa opérer en zone libre des policiers allemands qui y arrêtèrent des résistants, plusieurs mois avant l'occupation de la zone sud.
Le 2 juillet 1942, il se mit d'accord avec les chefs de la police allemande (accords Oberg-Bousquet) pour que ce soit la police française qui procède aux arrestations des juifs étrangers à déporter de la zone occupée comme de la zone dite libre. Dans cette dernière, il veilla à la mise en œuvre du souhait de Pierre Laval « que les enfants, y compris ceux de moins de seize ans, soient autorisés à accompagner leurs parents ». Du 17 juillet au 30 septembre 1942, 33 057 déportés partirent vers le camp d'extermination d'Auschwitz. Dans la seule rafle de la région parisienne des 16 et 17 juillet, 12 884 arrestations furent opérées grâce à ce que les Allemands appelèrent le « fichier modèle » de la préfecture de police. Sur les 4 051 enfants raflés — dont 3 000 Français selon le droit du sol —, la plupart furent « transférés », vers la mort, dans d'autres convois que leurs parents, conformément aux instructions écrites de Jean Leguay, adjoint de Bousquet en zone occupée ; de 1942 à 1945, 10 147 enfants furent anéantis dans les fosses et les crématoires allemands, dont 1 897 avaient moins de six ans...
René Bousquet veilla pendant près de dix-sept mois à l'autonomie de la police et de l'administration françaises de Vichy, en les faisant participer aux opérations franco-nazies tant pour les déportations que pour la lutte contre les résistants, « ennemis du Reich ». Prenant conscience de l'issue probable de la guerre, il quitta son poste en décembre 1943, non sans avoir donné des gages à certains mouvements résistants. Mais, en février 1944, les rédacteurs socialistes du journal clandestin Le Populaire dénoncèrent nettement sa mise en disponibilité : « M. Bousquet a des comptes à rendre. [...] Il a organisé des déportations massives de femmes et d'enfants. [...] Il a donné l'ordre aux forces armées de l'État de faire usage de leurs armes contre les patriotes. Il a traqué, fait arrêter et torturer des centaines de Français. [...] Si le lâche Bousquet quitte le territoire et va se réfugier ailleurs, le gouvernement de la République exigera son extradition. Car il s'agit d'un criminel de guerre. »
En résidence surveillée en Allemagne après juin 1944, René Bousquet fut l'avant-dernier justiciable de la Haute Cour de justice après trois ans de détention préventive et quelques mois de liberté provisoire. Face à un accusé affirmant avoir collaboré avec les Allemands comme le paratonnerre avec la foudre et soutenant avec aplomb avoir « systématiquement refusé de [s'] occuper des questions[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
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