- 1. La vocation intellectuelle
- 2. L'œuvre et sa publication
- 3. La méthode et le projet de science universelle
- 4. La science cartésienne
- 5. Science et métaphysique
- 6. La métaphysique : le doute et le « je pense »
- 7. La métaphysique : les idées et Dieu
- 8. La véracité divine et le problème de l'erreur
- 9. L'homme concret
- 10. Bibliographie
DESCARTES RENÉ (1596-1650)
La véracité divine et le problème de l'erreur
La connaissance de Dieu n'est pourtant pas, chez Descartes, une fin en soi. Elle est le fondement de la science. C'est pourquoi, après avoir atteint Dieu, la métaphysique cartésienne se soucie de revenir au monde. Il faut, pour cela, sortir du doute qui suspend encore l'affirmation de tout objet, et n'a été vaincu qu'en ce qui concerne le moi et Dieu. Or, ce qui va permettre de sortir du doute, c'est la découverte de la véracité divine.
La véracité de Dieu, fondement de la science
Nous savons qu'il y a un Dieu, parfait, infini, tout-connaissant et tout-puissant. Il est clair qu'un tel Dieu ne saurait être trompeur. Cela serait contraire à son unité même. Supposer que Dieu est trompeur serait lui attribuer deux créations divergentes, celle des choses, celle de notre pensée. La véracité divine garantit la valeur de cette dernière. Tant qu'elle ne juge que selon des idées claires et distinctes, notre pensée est infaillible. Ainsi le rationalisme est fondé.
Il faut encore, cependant, retrouver l'existence des choses. C'est ce que fera la Méditation sixième. La véracité divine qui, dans la Méditation cinquième, avait garanti notre connaissance des essences, y jouera un rôle nouveau : elle s'appliquera à l'inclination naturelle qui nous conduit à croire que nos sensations sont produites par des corps. Mais cette inclination naturelle doit être avec soin distinguée des mauvaises habitudes prises en notre enfance, et qui nous font imaginer les corps comme semblables à ce que le sensible nous offre, autrement dit comme possédant chaleur, odeur ou couleur. Ces qualités n'appartiennent, en réalité, qu'à notre conscience, et donc à notre esprit : en eux-mêmes, comme nous l'apprend la physique, les corps se réduisent à l'étendue.
Le rôle essentiel de la véracité divine est donc bien de fonder la science des idées claires. Mais, là même, il importe de préciser sa stricte extension. C'est pourquoi, dès la Méditation quatrième, Descartes semble reprendre un instant à son compte l'objection que l'on peut adresser à tout dogmatisme rationaliste : si notre pensée est, comme telle, ordonnée au vrai, comment se fait-il que nous nous trompions ? Ou encore, dit Descartes, « si je tiens de Dieu tout ce que je possède, et s'il ne m'a point donné de puissance pour faillir, il semble que je ne me doive jamais abuser ». Or il est de fait que je me trompe.
L'erreur et la liberté
En examinant ce problème, Descartes se propose, en réalité, un double but : il veut légitimer Dieu, et montrer qu'il n'est pas la cause de l'erreur, il veut fonder philosophiquement sa méthode. La théorie de l'erreur devra établir que celle-ci ne vient pas de Dieu, mais de nous et que, par conséquent, il nous appartient de l'éviter. Pour découvrir les sources de l'erreur, Descartes va donc considérer notre nature. Celle-ci est finie, et l'on peut dire en ce sens qu'elle participe « en quelque façon du néant ou du non-être », ce qui, déjà, permet de rendre compte de l'erreur comme manque ou comme défaut. Mais l'erreur n'est pas seulement négation. Elle est ou semble être privation. Certes, je ne puis être parfait au sens où Dieu est parfait, c'est-à-dire infini. Mais, sortant des mains de Dieu, ne dois-je pas être parfait au sens où doit l'être un ouvrage ? Ne dois-je pas posséder tout ce qui est dû à ma nature ? Or, par essence, ma nature est connaissante et, connaître, c'est connaître la vérité. Comment donc expliquer l'erreur ?
Descartes s'efforce d'établir que nous n'avons pas à nous plaindre, que nous ne sommes privés de rien de ce qui nous est dû, que les facultés que nous a données Dieu sont, comme telles, irréprochables, et que l'erreur[...]
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Écrit par
- Ferdinand ALQUIÉ : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)
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