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DIATKINE RENÉ (1918-1997)

La vie de René Diatkine s'est construite au fil des événements de ce siècle : né en 1918 à Paris, d'une famille juive émigrée de Russie, il entreprend ses études de médecine au moment où débute la Seconde Guerre mondiale. Dès après la Libération, il s'engage, au sens passionné et militant du terme, dans une aventure qui consiste à recréer – et non pas seulement à transformer – l'institution psychiatrique. Il est porté par l'espoir que plus jamais ne se reproduiront les atrocités commises, porté aussi par des rencontres déterminantes : celle de Rudolf Loewenstein à Marseille pendant l'Occupation puis celle, plus essentielle, de Julián de Ajuriaguerra à Paris au sortir de la guerre. Cela amène René Diatkine, alors jeune médecin entamant sa formation analytique, à développer une conception de l'analyse qui a pour originalité de prendre appui sur des travaux neuropsychologiques précis et de se méfier du recours facile à l'imaginaire, comme cela était souvent le cas dans les travaux psychanalytiques de l'époque. Et puis sont essentielles aussi les rencontres avec ceux qui, comme Serge Lebovici, Philippe Paumelle, René Angelergues, Évelyne et Jean Kestemberg, pour ne citer qu'eux, deviennent des compagnons de route, avec lesquels il entreprend de poser les jalons d'une nouvelle psychiatrie de l'enfant, d'élargir le champ de la psychanalyse, de redéfinir la compréhension de la maladie mentale.

Les années 1950-1970 sont fécondes, les articles publiés dans L'Évolution psychiatrique et la Revue française de psychanalyse en témoignent. On y trouve toute la richesse de débats où affleure parfois le dogmatisme propre à l'époque, l'intensité et la passion qui animent les uns et les autres. Par ses travaux, René Diatkine tire la dysorthographie hors des troubles instrumentaux pour en faire un trouble fonctionnel susceptible d'évoluer grâce à un traitement qui doit aussi viser le dysfonctionnement pulsionnel entravant l'enfant. Il fait de la régression – vieux cheval de bataille des thérapies d'enfants et d'adultes – une notion dynamique et relative, qu'il sort de toute référence normative, éducationnelle. Il fait perdre à la psychose son opacité en délimitant des troubles propres à l'enfant et sur lesquels il est possible d'agir, distincts des troubles schizophréniques de l'adulte et dont l'étiologie reste à déterminer. Son utilisation radicalement neuve du psychodrame individuel permet, sans moyens, sans institution, tout de suite après la guerre des découvertes cliniques inédites. Il permet une mise en valeur de tout ce que le patient schizophrène comprend sans pouvoir l'exprimer, et cela amène à considérer l'être humain qu'il est, plutôt que de le réduire à son état de malade mental.

Pour René Diatkine, le lien entre théorie et pratique est indéfectible. Sans jamais abandonner sa pratique analytique avec des sujets adultes, sans jamais abandonner l'intérêt pour la formation des analystes (il est président de la Société psychanalytique de Paris en 1968), il ne cesse, à partir du Centre Alfred-Binet fondé dans les années 1950 à Paris, de faire évoluer la pratique institutionnelle : du psychodrame individuel à la consultation thérapeutique, utile par l'économie de moyens qu'elle représente, originale par la référence analytique précise sur laquelle elle s'appuie, jusqu'à la fondation, au sein du même centre, de l'Unité du soir en 1971, René Diatkine et des équipes nombreuses avec lui cherchent des voies nouvelles de traitement. À l'Unité du soir, l'enjeu est de rétablir un fonctionnement psychique suffisamment libre et riche chez de jeunes enfants en grandes difficultés, sans les désinsérer de leur milieu familial et scolaire, afin que l'adolescence ne prenne pas chez eux la forme d'une catastrophe psychique irréversible.[...]

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Écrit par

  • : médecin-psychiatre aux hôpitaux universitaires de Genève et membre titulaire de la Société suisse de psychanalyse

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