FALLET RENÉ (1927-1983)
Né à Villeneuve-Saint-Georges en 1927, René Fallet est un produit typique d'une certaine banlieue d'avant la Seconde Guerre mondiale et de l'immédiat après-guerre : pas tout à fait un Parisien, plus tout à fait un paysan. Toute son œuvre sera marquée par ces deux influences qui ne rivalisent pas entre elles mais s'interpénètrent et s'harmonisent pour donner cette sorte de citadin qui garde toujours ses deux pieds dans le même sabot. La gouaille de Gavroche mêlée à la ruse ancestrale du plouc.
Paul Fallet, son père, était employé à la S.N.C.F. Communiste de cœur sinon tout à fait militant. René va donc passer son enfance dans une ruelle sans soleil avec en fond sonore le bruit des locomotives et d'un accordéon qui joue l'Internationale et les valses musettes. Ce qui ne l'empêchera pas de découvrir le jazz et Rimbaud à l'âge de seize ans alors qu'il a fait déjà trente-six métiers de misère depuis sa sortie de l'école communale ; ni de se mettre à écrire des poèmes sur le coin de table de la cuisine où il empêchait sa mère de mettre le couvert. Car René Fallet est pris par la passion d'écrire et il va y sacrifier toute sa vie. Il écrit à Charles Trenet, à Louis Aragon, à Blaise Cendrars. Il leur envoie ses poèmes. On lui répond. On flaire le talent. Et en 1947, à dix-neuf ans, il publie un petit chef-d'œuvre : Banlieue Sud-Est. C'est le livre d'une génération – celle des « zazous », les jeunes de l'Occupation –, écrit dans une langue adéquate, la langue de ses personnages, et qui constitue en quelque sorte la résultante de cette banlieue parisienne. Ce coup de maître fut accueilli par les louanges de la critique unanime. Ensuite, la vie de René Fallet est pour ainsi dire toute tracée. Il ne sera pas l'homme d'un seul livre mais un écrivain à part entière.
Il se découvre une deuxième source d'inspiration : Jaligny dans le Bourbonnais, la ville natale de sa mère. Il a passé là ses vacances quand il était gosse. Il aime y vivre au rythme de la pêche à la ligne, des courses cyclistes régionales et des parties de pétanque. Il observe, il enregistre et il transpose. Sa muse champêtre lui inspirera Les Vieux de la vieille (1958), Le Braconnier de Dieu (1973), Le beaujolais nouveau est arrivé (1975), La Soupe aux choux (1980), romans qui sentent le terroir et sont pleins d'une verve à la Marcel Aymé.
Après une période assez difficile sur le plan matériel, au cours de laquelle il rencontre Georges Brassens débutant, René Fallet renoue avec le succès en 1956 grâce à son roman La Grande Ceinture qui va être adapté au cinéma par René Clair sous le titre Porte des Lilas. Dès lors, presque tous ses livres vont être adaptés au cinéma. Il obtiendra le prix Interallié en 1964 pour Paris au mois d'août et atteindra les gros tirages dans les années 1970. Entre-temps il s'est marié, tout en vivant de multiples aventures sentimentales. Il va trouver dans le récit de ses amours une nouvelle source d'inspiration, appelant cette partie de son œuvre la « veine whisky », l'autre étant la « veine beaujolais ». Elles sont toutes les deux aussi riches, aussi savoureuses, aussi bien orchestrées littérairement. Comment fais-tu l'amour, Cerise ? (1969), L'Amour baroque (1971), Y a-t-il un docteur dans la salle ? (1977), L'Angevine (1982) sont issus de la « veine whisky ».
Une règle d'or chez René Fallet : ne pas ennuyer. L'écrivain construit ses histoires sans se soucier des écoles. Il est classique quand il le veut, d'une liberté absolue lorsqu'il en a envie. Poète avant tout et avec un sens constant de l'humour. Il est le rire et les larmes à la fois ; il se déchire le cœur avec les femmes..., boit le coup à tous les comptoirs des mauvaises rencontres..., cultive le jardin extraordinaire de l'amitié. Au point[...]
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Écrit par
- Alphonse BOUDARD : écrivain.
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