GOSCINNY RENÉ (1926-1977)
Le scénario selon Goscinny
De retour en France en 1951 (« Sept ans d'Amérique, ça commençait à bien faire »), Goscinny se voit confier la responsabilité de l'antenne parisienne de World Press par Georges Troisfontaines. Il y fait la connaissance d'Albert Uderzo, laquelle, après celle de Morris aux États-Unis, lui permet de comprendre le parti qu'il peut tirer des échanges entre auteur d'histoires et « metteur en images ». La division des activités – scénario, graphisme, mise en couleurs et jusqu'à la fonction d'éditeur qui tend à ressembler à celle de producteur – rapproche la bande dessinée du cinéma, ce dernier exerçant par ailleurs une influence sur le développement de genres comme le western ou le thriller. On doit à Morris une très fine analyse de la manière dont on peut restituer le mouvement dans la bande dessinée : « J'ai remarqué que la phase qui donne le mieux l'idée du mouvement est celle où celui-ci est le plus lent. Je donne généralement l'exemple de Joe Dalton qui casse les pierres. Il faut dessiner la phase où le marteau est au sommet de son parcours parce que là il s'arrête un instant, et c'est ça que l'œil retient. »
Goscinny a appris auprès de Morris le rôle précis, pour ne pas dire minutieux, du découpage. Cette compréhension des exigences de l'image par le scénariste deviendra rapidement un fardeau pour le graphiste qui en a formulé les règles. Quand il sera question, après la mort de Goscinny, de remplacer ce dernier par Greg, Morris lâchera, agacé : « Je ne suis pas sorti des griffes de Goscinny pour tomber dans celles de Greg ! »
L'association Morris-Goscinny, qui débute en 1955, a donné naissance à une suite d'albums brillants. Goscinny, à l'occasion d'une mise au point concernant son apport personnel dans la série des Lucky Luke, rappelle qu'il a non seulement « ressuscité » les frères Dalton, imprudemment éliminés par leur géniteur lorsque ce dernier était l'unique auteur, mais qu'il a également introduit, dans divers épisodes, des personnages légendaires de la conquête de l'Ouest : Jesse James, Calamity Jane, Billy the Kid, sans oublier... le chien Ran Tan Plan, réplique « parlante » du Rintintin emprunté à une série télévisée américaine.
En 1956, sous le pseudonyme d'Agostini, Goscinny prend « en marche » Les Aventures du Petit Nicolas que Sempé avait jusqu'alors publié sous sa seule signature dans le magazine Le Moustique. Les sensibilités à vif de Sempé et de Goscinny se conjuguent pour faire vivre le personnage fragile et innocent du minuscule Nicolas, auquel ils prêtent des attitudes et des propos que l'enfant présent dans chaque lecteur pourrait adopter et tenir – attitudes et propos marquant un retrait par rapport à un monde décidément trop écrasant. Cette association entre texte et dessin d'humour, en marge de la bande dessinée, connaît encore un beau succès.
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Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
Classification
Média
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