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LALIQUE RENÉ (1860-1945)

Un « art total »

Au terme de trois années d'un travail acharné, de 1892 à 1895, multipliant les essais techniques de toutes sortes, dessinant, modelant..., il trouve ce qu'il cherchait : « faire quelque chose qu'on n'aurait pas encore vu ». Les résultats ne se font pas attendre. Il participe aux Salons parisiens : en 1894, avec une couverture de carton à musique sur le thème des Walkyries, en 1895 avec une agrafe de style Renaissance ornée d'une femme nue en or ciselé, jugée « scandaleuse » par la critique. En 1898, il expose un ensemble de bijoux qui représente un véritable répertoire typologique, thématique et technique de son œuvre : peignes en corne – une matière inhabituelle en bijouterie –, diadèmes et ornements de corsage, pendants de cou et broches, bagues et bracelets, plaques de colliers de chien –  une nouveauté dans la parure féminine –, réalisés en or, en émail, enrichis de pierres de couleur avec une prédilection pour les gemmes bleutées – opales, pierres de lune... – voués au culte de la nature sous tous ses aspects et de la femme, à travers la culture symboliste.

À l'occasion du Salon de 1897, le verrier Émile Gallé, de quatorze ans son ainé, découvre le talent unique de Lalique, « inventeur du bijou moderne ». Dans un article d'anthologie, il réfute le fossé qui sépare les « arts majeurs » – les beaux-arts – des arts « dits mineurs », considérant René Lalique comme un « artiste » à part entière et ses objets comme des œuvres d'art. À l'égal de Cellini à qui ses contemporains (le poète Robert de Montesquiou en particulier) le comparent volontiers, René Lalique est parvenu à un « art total ».

Le choix des œuvres présentées par René Lalique lors de l'Exposition universelle de 1900 à Paris est à la hauteur de l'enjeu de la manifestation, une confrontation internationale qui se veut la synthèse du xixe siècle. C'est le bilan de cinq années au cours desquelles il a créé une parure complète de la femme, dont elle est à la fois le sujet privilégié et l'objet, et aborde des thèmes où le charme et l'étrange, la délicatesse et la force coexistent dans une structure architecturale peu commune dans les bijoux de ses contemporains. René Lalique est le seul et unique créateur des bijoux exposés dans sa vitrine qui attire une foule compacte, alors que la plupart des exposants font appel à des dessinateurs ou à des artistes extérieurs – tels Mucha pour Georges Fouquet, ou Eugène Grasset pour la Maison Vever.

La liste des acquéreurs et des collectionneurs est un florilège de célébrités appartenant à l'aristocratie russe, viennoise, française, aux mondes de la culture et de la politique. Un homme se distingue, Calouste Sarkis Gulbenkian, qui collectionne dans sa résidence de l'avenue d'Iéna plus de cent cinquante bijoux aujourd'hui réunis dans son musée à Lisbonne, au Portugal.

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Écrit par

  • : conservateur général honoraire du patrimoine, ancien conservateur en chef du musée des Arts décoratifs, Paris

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