LALIQUE RENÉ (1860-1945)
L'aventure verrière
Dès le début de la décennie de 1890, René Lalique s'intéresse au verre et à la possibilité de son introduction dans ses bijoux, en place de gemmes ou d'émaux en haut relief. Il réalise des formes en verre à partir de modelages en cire : éléments en ronde bosse, blancs ou colorés à l'aide d'oxydes métalliques, qui deviennent sources de lumière et de transparence. Après 1900, il intervient de plus en plus dans les bijoux, en même temps que se modifie la palette au gré des modes du temps. Le Salon de 1901 est une « harmonie de blancheurs, poursuivie jusque dans 1'ornementation de la vitrine flanquée aux angles de quatre serpents de verre qui ont la transparence claire et grise des coulées de glace ». À la blancheur du verre répond l'éclat blanc et les feux d'arc-en-ciel des diamants qui retrouvent un rôle dans la poétique de l'eau et de l'air des derniers bijoux. En 1911, l'envoi de Lalique au salon des Artistes décorateurs comporte exclusivement des objets de verre.
Il expose alors les premiers objets d'édition destinés à la vie quotidienne, résultat d'innovations techniques qui lui ont permis de réaliser les premiers panneaux destinés aux portes d'entrée de sa résidence, cours La Reine, à Paris, en 1902, puis de se lancer dans l'aventure des flacons de parfums. À la suite de son tout premier commanditaire François Coty en 1908, la plupart des fabricants font appel à Lalique pour créer ces flacons dont les formes et les ornements illustrent 1'esprit, l'essence des parfums qu'ils devaient contenir. À partir de 1911, René Lalique, l'artiste qui a converti le bijou à l'esthétique de l'Art nouveau, devient un industriel du verre à l'écoute d'une société en pleine évolution. La clientèle fortunée et cultivée du bijoutier s'est effacée devant l'ascension d'une société nouvelle, acquise à l'esthétique héritée de la Sécession viennoise et qui devint en France le style 1925 ou l'Art déco, en référence à l'Exposition de Arts décoratifs de 1925.
Tout en poursuivant une œuvre verrière destinée au grand public (services de table, luminaires, objets décoratifs...) et des vases plus élaborés – dont ceux réalisés à la cire perdue – pour sa clientèle privilégiée, René Lalique s'intéresse de plus en plus à l'aspect architectural qu'il peut obtenir avec le verre moulé.
Il reçoit des commandes publiques (les fontaines des Expositions de 1925 et 1937 à Paris, les panneaux des wagons Pullman en 1928) et privées, telles que celles de Mme Paquin ou Madeleine Vionnet.
La réputation de Lalique dépasse la France et l'Europe. Il entretient notamment des liens avec la cour de Russie avant la Première Guerre mondiale, avec La Havane (à Cuba) où il réalise, vers 1930, une chapelle funéraire. Il envoie à Tôkyô son chef-d'œuvre d'art verrier, les portes de la résidence du prince Asaka, où il reprend un thème récurrent depuis l'époque des bijoux, les figures de femmes ailées traitées en verre blanc moulé et rehaussé d'or.
L'intrusion dans l'univers religieux ne manque pas d'étonner de la part de Lalique. Après avoir déposé un brevet de « vitrail avec armatures métalliques et éléments de verre », en 1929, des raisons personnelles le conduisent à proposer aux religieuses de Notre-Dame-de-la-Fidélité, près de Caen, un grand Christ en croix puis un autel, enfin des vitraux en verre blanc moulé, entièrement décorés de lys. Peu de temps après, en 1933, c'est dans l'île anglo-normande de Jersey qu'il intervient, dans l'église Saint-Matthew. Il retient alors le thème des anges, et reprend les lys de Douvres-la-Délivrande pour les grandes verrières.
Invité, en 1933 par le musée des Arts décoratifs à Paris,[...]
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Écrit par
- Yvonne BRUNHAMMER : conservateur général honoraire du patrimoine, ancien conservateur en chef du musée des Arts décoratifs, Paris
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