LEDUC RENÉ (1898-1968)
L’espoir déçu
À partir de 1949, Leduc bénéficie enfin de commandes et des financements de l’État. Le 4 avril 1950, un second avion Leduc 010 accomplit son premier vol libre en plané. Ces essais débouchent l'année suivante sur un prototype amélioré, le Leduc 016, qui diffère du précédent par la présence, à chaque extrémité de la voilure, de deux réacteurs d’appoint (Turboméca Marboré I), et qui sera rapidement abandonné. Le Leduc 016 n’est pas un appareil de combat, contrairement au Leduc 020. Ce dernier, prévu à l’origine avec un armement, a fait l’objet d’un contrat dès 1948 mais il est resté à l’état de projet et s’est transformé en Leduc 021 lorsque sa puissance a été renforcée. Le Leduc 021 possède alors une tuyère impressionnante de 1,45 mètre de diamètre, une nacelle de poste de pilotage vitrée, très prolongée de l'avant, et une voilure légèrement en flèche. Les deux prototypes du modèle Leduc 021 serviront seulement à l'évaluation des équipements embarqués (en rapport avec le pilotage et éventuellement l’armement) destinés à l'avion d'arme définitif, le Leduc 022 S (S pour supersonique). Pour l’heure, les promesses sont tenues : le 7 août 1953, le Leduc 021-01 atteint Mach 0,91 à 14 000 mètres d'altitude. À sa suite, le Leduc 022, qui vole pour la première fois à la fin de l’année 1956, promet des performances plus importantes encore. La grande innovation est que cet avion décolle par ses propres moyens grâce à la présence d’un turboréacteur d’appoint (Atar 101 D 3). Leduc l'a aussi doté d'une tuyère de plus grande dimension, atteignant 2 mètres de diamètre. Avec une vitesse possible de Mach 2, sa vitesse ascensionnelle, à 16 000 mètres d'altitude, est alors estimée à 370 mètres par seconde.
Mais les ennuis s’accumulent… Si l'appareil parvient rapidement à la vitesse de Mach 0,95, ce n’est qu’au cent quarante et unièmevol, le 21 décembre 1957, qu’il atteint finalement le mur du son (Mach 1). Deux jours plus tard, lors d'un essai au sol, un incendie, consécutif à une fuite de carburant, endommage définitivement le prototype. Cet incident survient en une période de restrictions budgétaires de l’État. Le 15 janvier 1958, Leduc reçoit du sous-secrétaire d'État à l'Air une lettre mentionnant la fin du financement par l’État de ses recherches. À partir de cette époque se développent des familles de missiles, notamment des engins air-sol, capables d’atteindre de grandes vitesses (Mach 2 et au-delà), qui se substituent aux avions de chasse – plus lents et plus chers – dans les missions d’interception d’intrus éventuels. Leduc met alors un terme à l’activité aéronautique de sa société pour la reconvertir, dès 1958, vers une activité hydromécanique, devenant spécialiste des pompes hydrauliques.
Le 9 mars 1968, le « père » de la tuyère thermopropulsive s’éteint à Istres, dans les Bouches-du-Rhône. Précurseur reconnu, René Leduc fut aussi visionnaire, comme en témoigne sa déclaration à l’Aéro-Club de France : « Si je vous annonce aujourd’hui, 1er avril 1954, que l’on transportera un jour des passagers à 2 000 km/h, disons, pour être précis, dans vingt ans, qu’allez-vous penser de moi ? Que je plaisante ? Eh bien ! Pas tout à fait… » La mise en service commercial du Concorde, en janvier 1976, lui donnera raison.
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Écrit par
- Bernard MARCK : historien de l'aviation, membre de l'Académie de l'air et de l'espace
Classification
Média
Autres références
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TURCAT ANDRÉ (1921-2016)
- Écrit par Germain CHAMBOST
- 979 mots
- 1 média
...une vitesse aux alentours de Mach 2, soit deux fois la vitesse du son. Pour aller au-delà, on peut opter pour le statoréacteur auquel le nom du Français René Leduc reste attaché. Dans un statoréacteur, c’est la vitesse d’avancement de l’avion qui provoque la compression de l’air. Encore faut-il assurer...