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MAGRITTE RENÉ (1898-1967)

Le tournant surréaliste

Le poète Paul Nougé, rencontré en 1925, devient l'ami intime de Magritte et l'oriente un peu plus vers le surréalisme. À la fin de l'année, il réalise ainsi ses premières œuvres surréalistes, qui témoignent de l'influence conjointe de Giorgio De Chirico et de Max Ernst. Il rejette désormais toute forme d'abstraction. En 1926, trois textes collectifs annoncent la constitution d'un groupe surréaliste belge ayant pour noyau Magritte, Mesens, Nougé, Goemans et le compositeur André Souris. En 1927, Magritte bénéficie d'une première exposition personnelle à la galerie Le Centaure, à Bruxelles. Le catalogue répertorie 61 œuvres, dont 49 huiles et 12 papiers collés. Un texte de Paul Nougé propose les premières clés de lecture.

En septembre de cette même année, les Magritte s'installent au Perreux-sur-Marne, dans la banlieue parisienne. Magritte espère intégrer le groupe surréaliste d'André Breton. Intéressé par les recherches de Max Ernst et Joan Miró, Magritte peint énormément, expose (en 1928, à la galerie L'Époque de Bruxelles, que dirige Mesens), collabore à la revue surréaliste Distances fondée par Nougé et Goemans et publie ses propres textes comme Le Sens propre (5 numéros en 1929), en collaboration avec Goemans.

C'est dans cette perspective que le peintre réalise en 1929 sa série de « tableaux-mots » (La Trahison des images, County Museum, Los Angeles ; Le Miroir magique, Gallery of Modern Art and Dean Gallery, Édimbourg ; Le Palais des Rideaux III, Musée d'art moderne de New York) qui jouent sur des équivalences entre écriture et peinture. Il considère toute forme de langage comme une convention dont l'activité poétique se joue tout en la dévoilant. Il développe ses thèses dans le dernier numéro de La Révolution surréaliste, dans un texte essentiel intitulé « Les Mots et les images ».

Pourtant, après un séjour d'été passé à Cadaqués, avec Dalí et le couple Eluard, Magritte rompt avec Breton et avec Paris. Il revendique désormais vis-à-vis de la capitale intellectuelle du surréalisme une position de provincial critique et irrespectueux qui culminera plus tard, en 1948, avec la « période vache ».

Alors que le crise économique des années 1930 bouleverse le marché de l'art, Magritte revient à Bruxelles et reprend ses activités publicitaires, sous l'égide du Studio Dongo. Le groupuscule belge historique s'est augmenté de nouvelles recrues : Louis Scutenaire en 1927, Paul Colinet en 1932, suivis par Marcel Marïen. Magritte produit peu. Il traverse une période de doute qui le conduit, en 1933, à revoir sa conception de la peinture. À la violence de ses premières œuvres surréalistes dominées par la pulsion sexuelle (Les Jours gigantesques, 1928, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf) et aux équivalences poétiques de l'écriture désormais rendue visible succède une recherche fondée sur le principe même de représentation comme forme de connaissance. Magritte interroge la raison à travers l'évidence et conçoit la peinture comme le moyen de formuler autant d'interrogations : le problème de la maison (une façade ouverte sur un intérieur qui reproduit la façade fermée), celui de la pluie (il pleut sur un nuage posé sur le sol), du jour (un paysage de nuit avec un ciel de jour), du fusil (une arme qui saigne posée contre le mur) se succèdent et se répondent jusqu'à trouver une formulation qui emprunte à la publicité son évidence visuelle.

Magritte n'a pas totalement coupé les ponts avec Breton qui reste pour lui une autorité intellectuelle. En 1934, il reprend en dessin Le Viol pour illustrer la couverture de Qu'est-ce que le surréalisme ? de Breton. Il reste aussi attaché à Eluard qui lui consacre un poème, « René Magritte », dans les Cahiers d'art. L'artiste[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université libre de Bruxelles, directeur général des Musées royaux des beaux-arts de Belgique

Classification

Média

René Magritte - crédits : D. Frasnay/ AKG-images

René Magritte

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