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POIRIER RENÉ (1900-1995)

Né à Saigon, reçu premier à l'agrégation de philosophie en 1922, licencié en droit, pensionnaire à la fondation Thiers, René Poirier enseigna au lycée Janson-de-Sailly à Paris et au lycée de Chartres, puis aux universités de Montpellier (1931-1932) et d'Alger (1932-1937). Il fut élu à la Sorbonne en 1937. Envoyé au Brésil en 1939 pour participer à la fondation de l'Université nationale, il rentra en 1940 en France, puis fut remis à la disposition du Brésil où il resta jusqu'en 1945. En 1956, il fut élu à l'Institut.

Son œuvre comporte deux ensembles distincts : un Essai sur quelques caractères des notions d'espace et de temps (1932) et des Remarques sur la probabilité des inductions (1931), d'une part ; un nombre important d'études et d'articles, qui n'ont pas été réunis en recueils, de l'autre.

Il définit l'épistémologie ainsi : « Au sens le plus large, [elle] contient un tableau d'ensemble non seulement des méthodes mais des résultats de la science. Elle dispose ceux-ci rationnellement, en distinguant ceux qui paraissent assurés et définitifs, ceux qui sont vraisemblables, ceux qui constituent simplement des hypothèses. Elle s'interroge sur leur signification et leur valeur réelles. Elle contient aussi une cosmologie qui détermine les propriétés globales de l'univers spatio-temporel, propriétés de structure, de limites, d'origine. Elle s'étend même jusqu'à une philosophie de la nature, à une enquête sur les au-delà de la science. »

Pour clarifier nos visions du monde, nous devons nous attacher à débrouiller les notions fondamentales de temps, d'espace, de matière, de causalité, de probabilité, de finalité, de corps, d'esprit, d'âme, etc. Un tel examen a deux buts : mettre en évidence comment se forment nos conceptions à partir de notre expérience et ainsi esquisser « une anthropologie intellectuelle » ; mais surtout, essayer de découvrir s'il y a une ressemblance, une homologie entre la « réalité seconde » que constituent nos idées, nos modèles, nos constructions symboliques, nos théories et nos mythes, d'une part, et la « réalité première », le monde originaire et vrai, qui nous demeure inaccessible, de l'autre. « Le monde des objets sensibles et celui des objets théoriques de la science [...] sont tous deux des inventions de l'esprit, des artefacts, l'un intuitif, l'autre intellectuel, qui correspondent au monde réel, mais en opposition, non en conjonction avec lui, qui en sont une image antithétique. »

Nous serions donc réduits au scepticisme si nous n'étions pas conduits, par une attention plus exacte à la marche de notre esprit et à ses inventions, à découvrir que nos vues, quoique formées par nous, sont comme imprégnées d'une charge cosmologique. Nous ne voyons pas face à face l'univers, la « réalité première » ; mais, par des approximations successives, par une suite de « distillations fractionnées » portant sur les hypothèses et les notions fondamentales des sciences, nous devinons, comme par « pressentiment », quelque chose de l'ordre et des structures profondes de la réalité. Il n'y a pas, dans cette philosophie, une sorte d'intuition bergsonienne, mais plutôt la recherche comparative et aiguë de la « métaphysique minimale » qu'enveloppent les conceptions des sciences. À son tour, cette métaphysique renvoie à des questions « théologiques » sur l'origine, la fin, l'esprit, le corps, l'âme, l'immortalité.

Cette œuvre, qui, depuis 1930, embrasse les résultats et les interrogations majeurs des sciences et de la métaphysique, a deux respirations et deux rythmes : d'une part, de grands travaux — sur l'espace, le temps et les probabilités — qui n'ont pas pris de rides ; de l'autre, des investigations[...]

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