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TATON RENÉ (1915-2004)

Mathématicien, historien des sciences, René Taton a contribué à transformer, tout au long de la seconde moitié du xxe siècle, l'histoire des sciences en une véritable discipline (recherches, enseignement et publications).

René Taton est né le 4 avril 1915 à L'Échelle, dans les Ardennes. Entré à l'École normale supérieure (E.N.S.) de Saint-Cloud en 1935, il prépare les certificats de licence ès sciences, suit les cours d'Élie Cartan à la Sorbonne et ceux d'Henri Lebesgue au Collège de France, rencontre à Nancy, à la veille de la guerre, certains futurs « bourbakistes ». Agrégé en 1941, il est nommé professeur de mathématiques élémentaires au lycée d'Orléans.

1945 est une date charnière. René Taton découvre sa vocation d'historien des sciences. Il fait aussi trois rencontres capitales : Paul Angoulvent, alors directeur des Presses universitaires de France (P.U.F.), lui propose d'écrire un « Que sais-je ? » sur l'histoire du calcul (1946) ; le mathématicien Georges Bouligand l'incite à poursuivre l'histoire de la géométrie différentielle et à entrer au C.N.R.S. nouvellement réorganisé ; mais c'est Gaston Bachelard, que Taton considérait comme son maître, qui lui conseille de centrer sa recherche autour de Gaspard Monge (1746-1818), créateur de la géométrie descriptive, et de Girard Desargues (1591-1661), l'homme de la géométrie projective et de la perspective, ce qu'il fit dans ses thèses soutenues en 1951. Recruté par la Commission de philosophie, il fera toute sa carrière au C.N.R.S.

Les années d'après guerre sont à l'ouverture. Avec d'autres, Taton s'appuie sur l'U.N.E.S.C.O. nouvellement créée pour faire reconnaître l'existence d'une communauté internationale en histoire des sciences. Au sein du Conseil international des Unions scientifiques (I.C.S.U.) est créée une Union internationale d'histoire des sciences dont il sera le secrétaire de 1954 à 1971 (succédant à Petre Sergescu). Les congrès internationaux d'histoire des sciences ont lieu tous les quatre ans. Des liens sont établis avec l'Académie internationale d'histoire des sciences, fondée par Aldo Mieli en 1928. C'est une véritable épopée scientifique et stratégique : il s'agit, par les congrès, les instances internationales, les publications, de gommer les fractures idéologiques, les oppositions Est-Ouest, les impérialismes.

René Taton et Suzanne Delorme reprennent, en 1948, la Revue d'histoire des sciences (éditée aux P.U.F.), fondée l'année précédente par Pierre Brunet, dans un lieu devenu mythique – « la rue Colbert » – qui abritait le Centre de recherche en histoire des sciences voulu par Alexandre Koyré, simultanément directeur d'études à l'École pratique des hautes études à Paris (maintenant École des hautes études en sciences sociales) et membre de l'Institut d'études avancées de Princeton. La revue, internationalement reconnue, existe toujours ; le centre, devenu Centre Alexandre Koyré en 1964, dépend aujourd'hui de l'E.H.E.S.S., du C.N.R.S. ainsi que du Muséum, qui l'héberge. Il est un des pôles parisiens de la discipline, axé principalement sur l'histoire des mathématiques, de la physique et de la chimie, des sciences naturelles, alors que « la rue du Four », Institut d'histoire et de philosophie des sciences, dépendant de Paris-I, est axé sur la biologie et la médecine, sur les sciences cognitives... De 1964 à 1985, Taton assure la direction du centre et le conçoit, avec Pierre Costabel, comme un lieu de formation, de travail collectif et ouvert, sans frontières nationales, dans la rigueur de l'archive et des sources.

Structurer une discipline, c'est d'abord publier. Taton le fait en son nom propre, de Desargues à Monge, d'Euler à Cauchy,[...]

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