REPRÉSENTATION, géographie
La géographie : une représentation du monde
Toute étude géographique, selon ces prémisses, consiste en une représentation du monde, révélée par exemple par les cartes mentales, qui prend son sens grâce à l'explicitation des valeurs et des idéologies dans le cadre d'une problématique (Antoine Bailly, La Perception de l'espace urbain, 1997). Il faut donc insister sur le fait que la géographie, comme toute science sociale, est à la fois idéologie et image mentale du fait du processus cognitif et de la subjectivité de nos représentations. Il en résulte quatre principes :
– la géographie consiste en des représentations d'objets, de processus et de pratiques dans l'espace en fonction d'idéologies et de valeurs évolutives ;
– de ce fait, elle est une transposition, donc une image (modèle mental) de ces objets, de ces processus et de ces pratiques ;
– cette transposition, construction mentale, consiste en l'oubli explicite ou implicite de certains caractères jugés non pertinents, pour en privilégier d'autres ;
– la connaissance géographique débute donc par la subjectivité qui permet la sélection de certains éléments jugés pertinents et l'oubli d'autres afin de pouvoir construire descriptions, explications et interprétations.
L'intégration de ces principes dans l'analyse spatiale a rendu nécessaire la redéfinition de plusieurs concepts géographiques fondamentaux, tels ceux de distance et de lieu. S'agissant de distance, la conception euclidienne du terme ne peut suffire. Il faut ajouter la distance structurale, celle des relations sociales, et la distance affective, qui rend compte de notre rapport sensible à l'espace. La distance existe ainsi sous des formes multiples, liées à nos représentations, ce qu'ont bien saisi les cartographes dans leurs anamorphoses, déformations de l'espace par des procédures intégrant des critères non euclidiens. En ce qui concerne le lieu, les interprétations sont aussi nombreuses. Un lieu peut être simplement un emplacement géographique repérable. Mais il est aussi un espace habité et vécu, qui possède une identité, qui est approprié et imaginé. Il possède de ce fait des connotations symboliques qui en font un espace-enjeu (pour l'appropriation, pour l'identité). On parle alors, à la manière de Durkheim, de représentation sociale. Il existe ainsi des lieux de pouvoir, de liberté, de plaisir et... des hauts lieux. Certains auteurs vont jusqu'à parler de génie des lieux lorsque ceux-ci mobilisent l'imaginaire humain.
La réflexion sur le concept de représentation et son rôle dans l'évolution de la géographie conduit à s'interroger sur les finalités de cette discipline : découvrir l'organisation des systèmes spatiaux ou comprendre les représentations et pratiques spatiales ? Les deux sans doute, car comment concevoir une géographie sans référentiel chercheur et sans référentiel habitant ? C'est à travers la connaissance des représentations des hommes que la géographie peut expliciter ce qui donne sens à nos pratiques et à nos lieux de vie. La géographie n'échappe pas au monde des représentations, ce qui lui permet de parler de la terre « théâtre de l'aventure humaine ».
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Écrit par
- Antoine BAILLY : docteur d'État, professeur à l'université de Genève (Suisse)
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