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REPRÉSENTATION POLITIQUE

Qu'est-ce que représenter ? Le représentant, en politique, a deux visages : il est celui qui incarne le représenté et celui qui agit en son nom. Dans les deux cas, s'il rend l'autre présent, c'est à condition de se substituer à lui. La représentation politique est fondée sur ce premier paradoxe : le représentant amène le représenté à l'existence dans le mouvement même où il l'escamote et prend sa place. Dans un « État représentatif », « le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants », déclarait l'abbé Sieyès, le 7 septembre 1789, résumant ainsi de manière saisissante cet étrange tour de passe-passe. Dans les deux cas également, l'enjeu reste le même : il est celui de la « trahison », toujours possible, du représenté par le représentant. Il le trahit dès lors qu'il ne lui ressemble pas (au sens où une reproduction « trahit » l'original). Il le trahit également dès lors qu'il ne traduit pas correctement ses volontés. Dans les démocraties modernes, c'est bien la « représentativité » des gouvernants, condition de la légitimité de leur action, qui se trouve mise à l'épreuve dans une sorte de procès permanent.

Face à un soupçon aussi massif, l'idée même de « démocratie représentative » peut-elle avoir un sens ? Jean-Jacques Rousseau y voit une contradiction pure et simple, un oxymore. « Le souverain, écrit-il dans Du contrat social, qui n'est qu'un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même. [...] Si donc le peuple promet simplement d'obéir, il se dissout par cet acte, il perd sa qualité de peuple. » Rousseau reste fidèle à une définition classique de la démocratie, héritée des Grecs, lesquels situaient l'essence de la démocratie dans la possibilité pour chaque citoyen de prendre la parole sur l'agora mais aussi « d'être tour à tour gouvernant et gouverné » (Aristote) grâce à la procédure du tirage au sort. Comment expliquer que les sociétés modernes aient fait le choix inverse, au point de ne plus concevoir la démocratie autrement que comme représentative ?

Les origines du gouvernement représentatif

Pourquoi représenter ? La réponse à cette question est lourde de conséquences sur un plan normatif. La représentation politique se conçoit-elle comme un mal nécessaire, un substitut à une démocratie authentique, un simple impératif technique lié à l'impossibilité, dans les grands États, de réunir physiquement le peuple ? Ou faut-il penser le « gouvernement représentatif » comme une forme politique distincte, délibérément choisie afin d'écarter des affaires gouvernementales un peuple jugé incapable, au profit d'une « aristocratie démocratique » ? L'histoire de cette forme de gouvernement, apparue dans la seconde moitié du xviiie siècle dans le contexte des révolutions américaine et française, garde la trace de cette ambiguïté fondatrice, jamais véritablement levée. Les révolutionnaires ont fait le choix d'une stricte division du travail politique entre gouvernants et gouvernés. Le « gouvernement représentatif », en tant que concept et en tant que réalité institutionnelle, repose dès lors sur quatre principes essentiels : la réitération de l'élection ; l'indépendance des gouvernants ; le rôle central dévolu au débat parlementaire ; la liberté d'opinion (Bernard Manin). Dans une telle configuration de pouvoir, l'autonomie et la liberté de manœuvre des représentants doivent être le plus possible préservées. Le parlement n'est pas « un congrès d'ambassadeurs » (Edmund Burke) et les députés ne doivent pas se sentir liés à l'opinion préétablie de leurs électeurs. Un mandat leur a été confié, dont ils peuvent faire libre usage en l'attente d'une éventuelle sanction lors de l'élection[...]

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Écrit par

  • : professeur des universités à l'I.E.P. de Lille, C.E.R.A.P.S., Lille-II

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