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REPRÉSENTATIONS COLLECTIVES

Associé au nom du sociologue Émile Durkheim (1858-1917) et à son école, le concept de représentation collective désigne, sous la plume de ce dernier, des façons communes de perception et de connaissance bien distinctes des représentations individuelles, qui recèlent « un savoir qui dépasse celui de l'individu moyen » (Les Formes élémentaires de la vie religieuse, 1912).

Produits de la société, constituant en quelque sorte la matière de la conscience collective, elles sont ce qui permet aux hommes de vivre en commun, de voir et comprendre ensemble, sans être réduits, comme les animaux, à vivre selon les seules perceptions individuelles. Les notions de « nation » ou de « personne », par exemple, font sens pour l'individu parce qu'elles sont chargées d'un passé et d'un savoir qu'il ne peut épuiser. Si chacun y met ce que sa propre expérience lui a enseigné et en partage avec les autres les apports cognitifs, c'est en vertu de la stabilité et de l'immuabilité dont ces représentations collectives sont empreintes.

Définition

De ce constat découle la preuve de leur origine sociale, car « les caractères singuliers et variables des êtres n'intéressent que rarement la société ; en raison même de son étendue, elle ne peut être affectée que par leurs propriétés générales et permanentes ». Or, dans le monde sensible, seule la société présente de telles caractéristiques dont l'individu peut faire l'expérience. Selon Durkheim, notre capacité d'ordonner nos perceptions y a donc forcément sa source.

La pensée logique par exemple, qui est au fondement du raisonnement scientifique, est faite de concepts qui nous aident à comprendre les lois de fonctionnement du monde. « Penser logiquement, en effet, c'est toujours, en quelque sorte, penser d'une manière impersonnelle [...] Impersonnalité, stabilité, telles sont les deux caractéristiques de la vérité. Or la vie logique suppose évidemment que l'homme sait [...] qu'il y a une vérité distincte des apparences sensibles. Mais comment a-t-il pu arriver à cette conception ? [...] C'est sous la forme de la pensée collective que la pensée impersonnelle s'est, pour la première fois, révélée à l'humanité [...] Par cela seul que la société existe, il existe aussi, en dehors des sensations et des images individuelles, tout un système de représentations qui jouissent de propriétés merveilleuses » (Les Formes élémentaires de la vie religieuse).

Dans cette optique, les catégories de l'esprit n'ont rien de transcendantal, comme l'affirmait Kant, mais ont un fondement social. L'idée de totalité, par exemple, le tout qui comprend toute chose, n'est que la forme abstraite du concept de société : l'univers n'est pensé totalement que par la société, et par là il prend place dans sa vie intérieure, si bien que la société devient « le genre total en dehors duquel il n'existe rien ».

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