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REPRODUCTION DES ŒUVRES D'ART Copie et reproduction depuis la Renaissance

La gravure d'interprétation

Le projet de donner à voir un équivalent graphique d'une peinture a pris corps avec la pratique de la gravure sur cuivre à une époque où l'art valorisait les modèles et l'acte d'imitation. La gravure, qui avait d'abord produit quantité de compositions originales, est amenée à multiplier les images de peintres célèbres ; on répète ainsi Raphaël, Parmesan ou Corrège. Les peintres eux-mêmes en vinrent à organiser leur prestige par le truchement de l'estampe. Rubens et Vouet, notamment, surent tirer parti des ressources du cuivre pour répandre parmi les connaisseurs leurs inventions picturales ; à leur suite, quantité de graveurs ont « rendu » dans des styles souvent très personnels les œuvres des grands cabinets des xviie et xviiie siècles. La gravure d'interprétation ignore ordinairement la « touche » des œuvres qu'elle ne fait que « traduire » selon ses moyens spécifiques, stéréotypés et valorisés : la division des tâches et la rationalisation des procédés aboutissent à ce que l'on prise dans le produit les qualités propres de sa réalisation et que l'on oublie quelque peu l'adéquation au modèle ; ainsi se constitue l'empire d'une espèce de Plakatwelt fondé sur l'autonomie de quelque technique de répétition graphique. Qualité et valeur (sujettes à négoce et contrôlées par les cours) procèdent de la virtuosité avec laquelle l'atelier de répétition met en œuvre les codifications et les accents caractéristiques du métier, tout en conservant une référence à l'objet dénoté dans l'image. L'univers des estampes se diversifie non seulement à proportion de l'habileté des praticiens, mais, plus fondamentalement, en raison du choix des schèmes structuraux qui règlent le tracé des tailles et organisent l'intelligibilité de l'ensemble. L'économie de la représentation suppose la composition explicite d'un répertoire normé dans lequel le reproducteur puise pour organiser méthodiquement les redondances nécessaires à l'expression et à la reconnaissance des formes, c'est-à-dire à la production d'une « fiction vraie ». Celle-ci peut être assurée en mobilisant divers registres expressifs dont le degré minimal est procuré par la simple gravure au trait qui fit florès à l'époque néo-classique. Présentant en 1801 ses Annales du Musée, Charles Paul Landon se félicitait de faire « abstraction rigoureuse [...] de coloris et de l'effet du clair-obscur », car la gravure au trait oblige à se « renfermer dans les nobles limites de l'art », à savoir « l'invention, le caractère, le mouvement, l'expression... » ; aussi ne peut-on espérer de ce genre de gravure que de communiquer « la pensée de l'artiste, la disposition de la scène, l'ensemble et l'harmonie littéraire », et l'amateur doit renoncer à prendre une « idée satisfaisante des tableaux dont le mérite principal consiste soit dans le coloris, soit dans la finesse du pinceau » ; mais cette dernière qualité ne compte que pour un « mérite secondaire, auquel [...] le burin même le plus savant et le plus précieux ne peut atteindre que d'une manière imparfaite ». Et, certes, la reproduction, dans ses divers transferts analogiques, peut toujours prétendre s'épurer et ne transmettre qu'un élément dépictif isolé dans l'analyse du modèle. La vogue de l'estampe au trait, qui en est la figure la plus abstraite, survint après que les graveurs eurent expérimenté toutes sortes de systèmes complexes de tailles et d'encrages, parfois polychromes.

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