REPRODUCTION DES ŒUVRES D'ART Les copies dans la sculpture antique
Jusqu'au xviiie siècle, l'art antique forma pour l'Occident une unité factice où arts grec et romain se trouvaient confondus ; c'était en fait tout ce qu'on pouvait voir ou trouver d'antique en Italie et surtout à Rome. Lorsque Winckelmann, érudit allemand établi à Rome, entreprit le premier de distinguer art grec et art romain, ce fut encore à partir d'œuvres d'époque romaine : l'Apollon du Belvédère (Vatican), dont il fait l'incarnation du génie grec, est en réalité la froide copie d'un original grec attribué à Léocharès (ive s. av. J.-C.). Ce n'est qu'avec les publications monumentales de Stuart et Revett (Antiquities of Athens, 1762-1794) et de Chandler (Travels in Asia Minor and Greece, 1775-1776), les razzias de lord Elgin sur l'Acropole d'Athènes (1800-1801) et les premières fouilles financées par la société londonienne des Dilettanti (temple d'Athéna Aphaïa à Égine, en 1811 ; temple d'Apollon Épicourios à Bassae-Phigalie, en 1812) que l'architecture et la plastique grecques apparurent dans toute leur originalité. La création d'un État indépendant (1832) patronné par les puissances acheva d'ouvrir à la Grèce la culture occidentale : des instituts de recherche apparurent, des fouilles systématiques commencèrent (Olympie, 1875 ; Delphes, 1892). La différence profonde entre sculpture grecque et sculpture romaine apparut alors, et l'influence déterminante de la première lorsque les deux civilisations entrèrent en contact durant la période hellénistique. Non seulement les conquérants romains avaient fait main basse sur d'innombrables statues qui transformèrent Rome en un véritable musée de l'art grec, mais l'engouement pour celui-ci devint tel au ier siècle avant J.-C. qu'on entreprit de copier les œuvres les plus célèbres pour en décorer maisons privées et monuments publics. De là cette énorme masse de « copies romaines », qui, en dépit du nombre croissant d'originaux grecs révélés par les fouilles et les trouvailles fortuites en Grèce et en Asie Mineure (Musée national d'Athènes, Musée archéologique d'Istanbul), continue de former la très grande majorité des sculptures antiques connues. Sans elles, des artistes aussi importants que Polyclète, Praxitèle ou Lysippe ne seraient plus pour nous, à l'instar des grands maîtres de la peinture grecque, que des noms mentionnés par quelques textes. La prise de conscience progressive de l'importance des copies pour l'histoire de l'art grec a provoqué, depuis la fin du xixe siècle, la définition d'une méthode qui permet d'établir leur degré de parenté avec l'original perdu et leur date, par une démarche critique semblable à celle des philologues en face des textes antiques transmis par les manuscrits du haut Moyen Âge. Cette Kopienforschung serait somme toute aisée et ses résultats assez assurés si l'on se trouvait en face de « copies conformes » reproduisant tel quel l'original. Mais, comme l'a montré G. Lippold, la plupart de ces copies sont en fait des adaptations, des contaminations ou des pastiches, où le sens artistique du copiste et le goût de l'époque entrent pour une part variable.
Invention et imitation dans l'art grec
Dans l'art grec, la copie est partout et nulle part. Dès le début du vie siècle, de grandes offrandes sculptées n'hésitent pas à présenter des doublets : à Delphes, les Jumeaux d'Argos (590-580 av. J.-C.) ; à Samos, les groupes de Chéramyès (vers 570 ; une réplique de l'Hèra de Samos du Louvre a été trouvée en 1984) et de Généléos (vers 560). Encore ces statues se distinguent-elles par tel ou tel détail. Dans un art religieux, dominé par l'existence de quelques types, où formules et styles se transmettent de maître à élève[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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