REPRODUCTION DES ŒUVRES D'ART Les copies dans la sculpture antique
Les copies d'époque impériale
Cette première vague de production intensive, destinée à satisfaire l'appétit de la clientèle romaine, fit place, à partir d'Auguste, à une activité plus différenciée : les copies conformes de statues grecques semblent avoir cédé le pas aux adaptations et contaminations de types grecs. Le style néo-classique augustéen est en partie fondé sur cette combinatoire, dont témoignent les statues officielles qui donnent le ton. C'est un sculpteur grec signant « Cléoménès, fils de Cléoménès, Athénien » qui a réalisé, probablement à Rome entre 40 et 30 avant J.-C., une statue-portrait où l'on a cru reconnaître Octavien, le futur Auguste (Louvre, MA 1207) : la tête, portrait aigu et retenu à la fois, est greffée sur la copie d'une statue d'Hermès datant de 460 avant J.-C. (type dit de l'Hermès Ludovisi), dont le style « sévère » atténue le contraste entre le visage émacié et le corps athlétique. Le sculpteur retrouve donc ici quelque initiative ; il lui revient de choisir un type de corps compatible avec la tête-portrait, afin que la statue présente une certaine unité. Dans le domaine de l'art funéraire, plus industrialisé, l'adaptation est différente : les ateliers disposaient d'un stock de statues toujours prêtes dont seul le visage inachevé restait à sculpter à la ressemblance du défunt.
Même dans ce prêt-à-portrait, la mode change ; pour les statues de femmes, le type dit de la Pudicitia, en vogue au ier siècle avant J.-C., est remplacé à partir d'Auguste par les types de Déméter et de Coré dites les deux Herculanaises : la Grande Herculanaise est utilisée pour les statues de femmes âgées, la Petite, pour les jeunes filles non mariées. Les deux types étant restés en vogue jusqu'au iiie siècle après J.-C., les portraits qu'ils portent permettent de dater ces copies et montrent l'évolution du goût et de la technique, même dans un art aussi répétitif et à première vue sclérosé. À mesure que l'on s'éloigne de la période hellénistique, le sens plastique va s'émoussant, et les copies, même soignées, se font vides et mécaniques : le vêtement des originaux grecs, n'étant plus ni porté ni compris, est souvent recopié d'une matière erronée.
Le iie siècle après J.-C., apogée de la Paix romaine qui stimule l'unification de l'Empire étendu à toute la Méditerranée, est marqué par un regain d'hellénisme, mais sur un mode désormais nostalgique : les contemporains d' Hadrien et de Marc Aurèle, qui ont compris plus profondément la civilisation grecque que leurs ancêtres hâtifs et prédateurs, savent qu'elle est révolue, même si elle se survit à Athènes et dans les cités florissantes de l'Asie Mineure ; c'est par un romantisme semblable à celui qui fit redécouvrir au xixe siècle le Moyen Âge que l'on s'attache à l'art classique. Les copies et variantes de Polyclète et de Phidias abondent ; les statues d'Antinoüs, le jeune amant d'Hadrien divinisé après sa mort, empruntent à des types d'athlètes de la première et de la seconde moitié du ve siècle. Hadrien lui-même ira plus loin encore : dans son vaste domaine de Tivoli, on trouve non seulement des répliques de statues grecques, comme dans toute villa romaine depuis le ier siècle avant J.-C., mais des copies de bâtiments et un pot-pourri des sites qui l'avaient enchanté lors de ses voyages en Orient. L'évolution des coutumes funéraires, avec la mode du sarcophage, ouvre alors aux ateliers de copistes une voie nouvelle : désormais, on peut copier non seulement les statues en ronde bosse mais aussi les frises architecturales sculptées ou transposer en reliefs des types statuaires ; les ateliers attiques seront prompts à exploiter ce filon. Pour la clientèle[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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