FLORENCE RÉPUBLIQUE DE
La prépondérance des Médicis (1434-1494)
L'ascension et le pouvoir de Côme
La famille Médicis est, au xive siècle, une des plus importantes du popolo, mais elle n'exerce pas d'influence particulière. Salvestro de Médicis, favorable en 1378 à une réforme démocratique des institutions, fonde la fortune politique de la famille grâce à l'appui que cette attitude lui vaut dans le petit peuple ; Jean, fils de Bicci (mort en 1429), chef avisé de l'une des compagnies les plus actives de la période oligarchique, établit sa fortune commerciale. Quand les erreurs des oligarques (échec devant Lucques, injustice fiscale, inquisition policière redoublée) eurent multiplié les mécontents, ceux-ci se tournent naturellement (1433) vers le chef des Médicis, Côme, fils de Jean. Sa popularité empêche Rinaldo degli Albizzi de l'éliminer. Après un exil d'un an, il est triomphalement rappelé à Florence, d'où Rinaldo doit s'exiler (1434). Le pouvoir de Côme va s'exercer pendant trente ans sans conflits intérieurs majeurs, sauf quelques complots vite enrayés (1441, 1457). Dans une ville où les rivaux potentiels, chefs de compagnies aussi puissantes que la sienne, ne manquent pas, où cinquante ans de gouvernement oligarchique n'ont pas éteint le vieil esprit de libertas, le long exercice de cette autorité est surprenant. Il s'explique si l'on considère avec quelle habileté les interventions de Côme s'adaptent aux besoins et aux réalités florentines.
Les difficultés économiques du xive siècle finissant ne sont pas toutes résolues : l'art de la laine végète, des artisans s'exilent. S'étant rendue maîtresse de Pise, Florence n'a pu se donner une marine digne de ce nom. Mais le sens commercial des Florentins est toujours aussi éveillé. Plus solides qu'avant (les filiales ont remplacé les succursales), leurs compagnies, qui se spécialisent dans la banque, ne cessent d'étendre leur activité (Espagne, Portugal, Syrie, Égypte, monde turc). Dans la ville même, l'industrie de la soie est l'une des plus florissantes d'Europe. Sur le plan intellectuel, l'enseignement des humanistes, d'un Niccoli (1364 env.-1437), d'un Manetti (1396-1459), d'un Alberti (1404-1472), d'un Palmieri (1406-1475), même réservé à une élite bourgeoise, commence à éveiller un écho. Leur passion pour l'Antiquité, leur intérêt pour le passé de leur patrie et pour sa mission présente, leur exaltation de l'individu suscitent l'image d'un homme nouveau, supérieur par sa culture, ses qualités physiques et morales en même temps que bon citoyen. Sur le plan politique, la précarité de la position de Florence en Italie contraste avec ces succès. Les grands États italiens, qui n'ont pas tous trouvé leur équilibre, n'ont pas renoncé à leurs ambitions ; deux menaces nouvelles se précisent, celle de Venise, qui cherche en Italie un dédommagement à ses échecs en Orient, et celle du roi de Naples, aragonais depuis 1442, qui convoite l'Italie centrale.
De ces réalités disparates Côme tire merveilleusement parti. Pour guider leurs affaires étrangères, les Florentins souhaitaient un homme d'envergure, bon diplomate (plus que sur les champs de bataille, les conflits se résolvent désormais dans les chancelleries) ; ce fut Côme. Mais, chez eux, ces grands négociants n'auraient pas accepté une suprématie de type seigneurial, contraire du reste aux idées de l'époque : l'« homme complet » joue un rôle dans la vie de l'État. D'où l'attitude de Côme : partout traité en prince, il ne sera à Florence que le premier citoyen. Il reste après 1434 le marchand qu'il était jusque-là ; parfaitement avisé, il choisit avec soin ses collaborateurs et les éléments de son activité (commerce et surtout banque). Répartie entre Florence et ses filiales à l'étranger (Venise,[...]
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Écrit par
- Charles-Marie de LA RONCIÈRE : chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
Classification
Médias
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