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RÉPUBLIQUE DES LETTRES

La république des lettres est le nom donné à l'utopie d'un espace partagé à l'époque moderne par ceux qui ont affaire au savoir et à l'écrit. Comme tout espace utopique, son extension varie à travers l'histoire. Reste qu'il dessine un espace commun, structuré par une même fin : la recherche et la diffusion du savoir, par des moyens propres de communication – voyages, correspondances et revues –, peut-être surtout par une même idéologie ; il compte un certain nombre de citoyens d'honneur au cœur de l'Europe savante, Érasme et Grotius à l'âge humaniste, Mersenne ou Huet à l'époque classique, Bayle ou Voltaire pendant les Lumières. Cette corporation sans statut se trouve ainsi unifiée par des pratiques intellectuelles communes, par un habitus semblable, par une égalité postulée qui fait des gens de lettres des pairs, malgré leurs différences bien réelles de professions, de charges ou de confessions.

Une communauté transnationale et transhistorique

L'apparition de l'expression république des lettres au début de l'époque moderne invente un territoire qui n'est limité ni aux espaces nationaux européens, ni même à cette seule époque moderne. Il désigne en effet une communauté transnationale et transhistorique qui unit les érudits européens dans leur rapport à une Antiquité qu'ils (re)découvrent : l'expression apparaît (en latin, respublica litteraria) en 1417 dans une lettre d'un érudit vénitien à un érudit florentin, pour le féliciter d'avoir trouvé en Suisse alémanique un manuscrit, De institutione oratoria de Quintilien et les Œuvres de Cicéron, comme le rappelle Marc Fumaroli.

Le terme, calqué sur la respublica christiana, établit la confrérie, la corporation (sodalitas) qui unit les lettrés de tous pays et de tous temps, en dehors de tout engagement partisan ; une telle volonté est une constante de cette république : au cours des guerres de religion du xvie siècle, la république des lettres tend à se confondre avec le parti des politiques qui cherchent l'apaisement ; pour ce qui concerne le xviiie siècle, Daniel Roche a vu les « républicains des lettres » dans les membres provinciaux des académies qui se multiplient.

Le terme dessine ainsi un espace imaginaire pour la littérature (au sens que celle-ci a alors de connaissance érudite des belles-lettres), et concerne particulièrement les philologues, éditeurs, critiques, archéologues et érudits : il s'agit de reprendre l'héritage antique, de le publier et de le diffuser. Cette république se répand hors d'Italie avec les œuvres éditées par Alde Manuce à Venise, avec les travaux d'Érasme, tandis que se nouent, sous le signe de l'amitié privée, des contacts de plus en plus étroits dans la société des érudits et des savants.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres modernes, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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