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RÉSEAUX DE NEURONES (biologie)

Objectivation des réseaux de neurones

Au cours du xxe siècle, la spéculation cède progressivement le pas sur l’objectivation physiologique et fonctionnelle, qu’on illustrera ici par quelques exemples de concepts de réseaux de neurones dominants, appartenant à différentes périodes historiques, en précisant leurs techniques d’investigation associées.

Dans les années 1930, le jeune physiologiste Cornelius A. G. Wiersma (1905-1979), invité à Pasadena (États-Unis) par le généticien Thomas H. Morgan (1866-1945), étudie l’organisation des réseaux nerveux de l’écrevisse contrôlant certains réflexes moteurs comme celui de la fuite. Il découvre que la stimulation électrique d’une seule fibre de la classe des fibres géantes centrales est suffisante pour engendrer le comportement moteur de la flexion de la queue du réflexe de fuite. Au cours des décennies 1940 et 1950, Wiersma poursuit l’étude des organisations complexes de réseaux de neurones contrôlant les réflexes moteurs d’invertébrés, jusqu’à ce qu’il aboutisse au concept de « neurone de commande », un neurone dont l’excitation spécifique est une condition nécessaire et suffisante pour engendrer un comportement moteur, et qui représente une sorte d’interrupteur biologique dont le processus de déclenchement repose sur des phénomènes d’intégration complexes de signaux internes et externes impliquant différents circuits en interaction.

Au cours des années 1950, les neurophysiologistes élémentaristes découvrent une mine d’or dans l’étude, neurone après neurone, des circuits moteurs de différents invertébrés (écrevisse, escargot, aplysie). On précise alors la fonction de chaque neurone identifié, car reconnaissable par sa forme et sa position dans le circuit, d’un animal à un autre (concept de neurone identifié). Les propriétés des circuits de neurones sont alors expliquées et modélisées par celles de leurs neurones individuels constitutifs, par exemple une propriété de décharge rythmique spontanée ou une fonction de modulation par libération d’un neurotransmetteur.

C’est au cours des années 1960 que les neurophysiologistes décrivent les réseaux de neurones des centres médullaires de la locomotion, découverts par Thomas G. Brown au début du xxe siècle. Après les travaux de l’équipe française de Pierre Buser et de l’équipe suédoise d’Anders Lundberg, Sten Grillner décrit les réseaux contrôlant la nage de la lamproie, largement conservés dans leurs grandes lignes chez les vertébrés, et qui représentent un « générateur central de patron » produisant des activités motrices rythmiques, organisées de manière indépendante des voies nerveuses sensitives. Grillner décrit dans la moelle épinière de la lamproie des modules de commande, dont un gauche et un droit dans chaque segment du corps du poisson, les hémisegments, qui comportent chacun des interneurones excitateurs glutamatergiques (dont le glutamate est le transmetteur) et inhibiteurs glycinergiques (dont la glycine est le transmetteur), avec des neurones régulateurs libérant des monoamines ou des peptides. Le réseau est maintenu actif par la commande de neurones glutamatergiques du tronc cérébral. Mais ce réseau est également caractérisé par de multiples modules oscillateurs disposés le long du corps, les uns dominant tour à tour les autres, selon le type de nage (avant ou arrière…), tout en maintenant un haut degré de coordination par l’intermédiaire d’autres types de neurones sérotoninergiques et dopaminergiques.

Ce type de résultats peut être acquis par des enregistrements électrophysiologiques classiques sur une préparation biologique simple, la moelle épinière isolée de la lamproie, susceptible d’être disséquée et maintenue vivante pendant plusieurs heures, pour révéler la fonctionnalité des réseaux de neurones dont l’activation produit une activité motrice rythmique.[...]

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Circuits neuraux tirés du chapitre sur la volonté de <em>Principles of Psychology </em>de William James - crédits : Encyclopædia Universalis France

Circuits neuraux tirés du chapitre sur la volonté de Principles of Psychology de William James

Anatomie fonctionnelle de la moelle épinière, J. Dejerine - crédits : Jules Déjerine/ Masson, 1914/ coll. Jean-Gaël Barbara

Anatomie fonctionnelle de la moelle épinière, J. Dejerine

<strong>Expérience d’optogénétique en neurobiologie</strong> - crédits : Encyclopædia Universalis France

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