- 1. Du filet au réseau sanguin
- 2. Postes, routes et fortifications : à l'origine des réseaux nationaux
- 3. Les réseaux d'eau et d'assainissement, premiers réseaux urbains
- 4. La pensée saint-simonienne et les réseaux
- 5. La science des réseaux au XXe siècle : de l'électricité à l'informatique
- 6. Réseau et organisation
- 7. Réseau et connexions
- 8. Réseau et système
- 9. Réseaux et territoires
- 10. Bibliographie
RÉSEAUX, philosophie de l'organisation
Réseau et connexions
Le pouvoir organisateur du réseau n'est donc pas du côté de la structure. Il est, on l'a dit, d'abord du côté de la différenciation. Mais, en même temps, le réseau organise en connectant. La connexité est la vraie nature du réseau. Il en tire toute sa puissance d'organisation. Si l'on ne craignait d'abuser des néologismes, il vaudrait mieux parler de connectivité du réseau, ou mieux encore de connectibilité. Il s'agit de cette capacité du réseau de réaliser un grand nombre de liaisons, fussent-elles éphémères, entre les éléments, les points qui en font partie. Dans l'organisation du réseau règnent des mailles, des boucles, des redondances de toutes sortes. L'exemple le plus frappant est emprunté à la biologie. Les chercheurs qui travaillent sur le cerveau humain font appel à une théorie des réseaux de neurones. Selon cette théorie, les neurones lanceraient, au hasard, des connexions vers d'autres neurones (par l'intermédiaire de protéines). Ces connexions sont, au moins au départ, foisonnantes et labiles. Elles donnent le maximum de chances de liaisons entre les différents neurones du cerveau mais en général ne durent guère. Toutefois, dans certains cas, la connexion peut perdurer par stabilisation de la protéine. Or il semble bien établi que cette stabilisation sélective de certaines synapses intervient du
fait du fonctionnement global du réseau. Il y a en quelque sorte autoconstruction d'une cohérence d'ensemble du réseau. Faut-il parler d'auto-organisation ? En tout cas, c'est le pouvoir de connexion qui progressivement organise les neurones en un réseau au fonctionnement intelligent.
On pourrait prendre d'autres exemple en biologie, revenir au cas déjà présenté des réseaux d'automates ou évoquer le cas des réseaux de transport dont le pouvoir dit « structurant » découle justement de leur « connectibilité ».
L'organisation en réseau est donc très particulière puisqu'elle relève moins d'un pouvoir que d'un potentiel. De plus, ce potentiel doit toujours être référé à une certaine échelle spatio-temporelle. En effet, il n'est pas indifférent que les connexions permises par le réseau puissent s'effectuer de façon strictement locale, ou de façon étendue à l'ensemble des éléments, et que leur combinatoire puisse être explorée, même très ponctuellement en un temps limité par rapport à l'échelle des acteurs humains. Les centraux téléphoniques illustrent parfaitement cette considération. Il est certain que le réseau téléphonique n'aurait jamais pu jouer le rôle extraordinaire qui est le sien dans les sociétés modernes si des évolutions techniques successives n'étaient parvenues à résoudre le problème des connexions du réseau, c'est-à-dire de la commutation, dans des conditions spatiales et temporelles acceptables. Organisateur de la différence par la connexion, le réseau est de fait gestionnaire du collectif. Dès qu'un acteur social, planificateur saint-simonien ou « opérateur » moderne, a en charge le fonctionnement du réseau, il doit maintenir un difficile équilibre entre la sauvegarde de toutes les possibilités offertes par la complexité intrinsèque du réseau, d'où provient le véritable pouvoir organisateur, et une forme minimale de gestion collective nécessaire au moins pour inscrire le réseau dans l'espace-temps social. Concrètement, c'est le problème des réseaux de télévision où l'informateur doit viser non un interlocuteur mais un public ; du réseau de métro qui ignore qui sont, où vont et d'où viennent ses voyageurs ; du réseau d'électricité qui ne peut distinguer à chaque instant dans les mégawatts qui circulent sur une ligne à haute tension les électrons de l'électricité « nucléaire » et les autres, ni ceux qui fournissent l'énergie aux industriels[...]
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Écrit par
- Gabriel DUPUY : ingénieur des Arts et manufactures, docteur d'état ès lettres et sciences humaines, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris, université de Paris-XII, chef de département à l'École nationale des ponts et chaussées
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