RESPONSABILITÉ (droit) Responsabilité civile
Responsabilité du fait des choses
Des droits antiques aux droits modernes, on trouve des règles spéciales de responsabilité pour les dommages causés par certaines choses.
Les articles 1385 et 1386 du Code civil français rendent les propriétaires responsables des dommages causés par les choses qui, à l'époque de sa rédaction, étaient dangereuses : les animaux et les bâtiments en ruine.
Dans le courant du xixe siècle, pourtant, il apparut que ces dispositions étaient insuffisantes pour permettre au droit de répondre aux besoins sociaux d'une nation où se multipliaient les accidents causés par les machines. Blessé ou tué à son travail, l'ouvrier et sa famille étaient laissés dans une totale détresse s'ils ne pouvaient prouver que l'accident était dû à la faute de l'employeur ou à celle d'un autre ouvrier. Dans la plupart des cas, à vrai dire, l'ouvrier était victime de « sa faute » : une maladresse ou un moment d'inattention dus à l'accoutumance ou à la fatigue. L'injustice du système était criante : il fallait faire peser sur l'employeur une responsabilité de plein droit, responsabilité que l'employeur avait la possibilité de couvrir par l'assurance depuis le milieu du xixe siècle, ou qu'il pouvait faire entrer dans ses frais généraux pour en répartir la charge sur l'ensemble de sa clientèle.
Pour fonder cette responsabilité, les juristes eurent recours au premier alinéa de l'article 1384 qui, annonçant les deux dispositions suivantes, parlait de la responsabilité du fait « des choses que l'on a sous sa garde ». Dès 1896, la Cour de cassation admit qu'il y avait là des mots sur lesquels on pouvait fonder la responsabilité du propriétaire d'une chose quelconque, au moins, déclara-t-elle à l'époque, lorsque celle-ci est entachée d'un vice, cause du dommage. Deux ans plus tard, cette jurisprudence paraissait dépassée : le Parlement votait une loi sur la réparation des accidents du travail. Mais elle retrouvait rapidement son intérêt avec le développement de l'automobile. Alors s'ouvrit une période d'extraordinaire discussion sur le domaine, le fondement, la portée de la responsabilité que l'on voulait créer. En 1930, le célèbre arrêt Jand'heur croit donner la solution des problèmes : désormais, le gardien (normalement le propriétaire) d'une chose qui a participé à la réalisation d'un dommage est de plein droit responsable de celui-ci, à moins qu'il ne puisse prouver que le dommage résulte en réalité de la faute de la victime, ou d'un tiers, ou d'un événement de force majeure. Mais, dans l'application de cette formule, les difficultés renaissent sans cesse et donnent lieu à une jurisprudence d'une extrême complexité.
Nul droit ne peut se vanter d'avoir apporté une réponse satisfaisante au problème des accidents causés par la machine. Les droits de common law n'ont donné que des réponses très fragmentaires. L'Allemagne et la Suisse ont pris une série de lois spéciales sur les dommages causés par les chemins de fer, les tramways, les automobiles, le gaz, l'électricité, les aéronefs, l'énergie nucléaire, etc., mais cette méthode présente l'inconvénient de laisser souvent le droit en retard de quelques années sur la technique et de ne pas couvrir tous les cas d'accidents dus au machinisme moderne. Dans de nombreux autres pays, dont les États-Unis on adopte une autre solution : on pose des règles spéciales pour les dommages causés par les choses, les installations ou les activités « dangereuses ». La solution paraît rationnelle, comparée à la solution française qui applique les mêmes principes à une automobile et à une brouette, à une raffinerie de pétrole et à une savonnette ou même à un escalier. Mais comment définir les choses ou activités « dangereuses » ? Il est évidemment[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- André TUNC : professeur émérite à l'université de Paris-I
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification