RESPONSABILITÉ (droit) Responsabilité civile
Remise en cause de la responsabilité et développements récents
Ce qui remet en cause la responsabilité civile à l'époque contemporaine, ce n'est pas seulement l'assurance de responsabilité, d'un côté, la sécurité sociale et l'assurance individuelle, de l'autre. C'est aussi le facteur qui lui vaut, dans les prétoires, une place prééminente : la multiplication des dommages accidentels.
La responsabilité suppose, en effet, la liberté, du moins en principe. Or l'accident est, par hypothèse, non seulement fâcheux, mais aussi fortuit et statistiquement inévitable. Des enquêtes soigneuses ont montré que le bon conducteur d'automobile commet en moyenne une erreur tous les trois kilomètres, qu'il en commet neuf en cinq minutes dans une ville aussi rationnellement dessinée que Washington. Chacune de ces erreurs est susceptible, dans une conjonction de circonstances fâcheuse, de causer un accident. C'est ce qui justifie la loi du 5 juillet 1985 sur l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, même si celle-ci n'a pu être conduite jusqu'au bout de sa logique.
Le droit de la responsabilité, on l'a constaté, est indispensable dans le domaine de la responsabilité du fait personnel. On cherche actuellement, en revanche, à faire sortir de son champ, ou au moins de ses règles traditionnelles, les dommages accidentels, en particulier les dommages corporels accidentels.
Dans la mesure du possible, un dommage accidentel ne doit rester à la charge ni de la victime ni de l'auteur involontaire : il faut assurer son indemnisation, mais en en répartissant la charge sur une collectivité qui puisse la supporter. C'est ce que fait pour une part la sécurité sociale pour les dommages corporels. C'est ce fait plus complètement en certains domaines l'assurance, mais d'une façon maladroite. Il faudrait étendre le champ de l'assurance et en moderniser le fonctionnement, l'erreur ne devant jamais entrer en ligne de compte et des règles de responsabilité ne devant être réintroduites qu'en cas de faute proprement dite.
Une théorie plus radicale a été proposée par Boris Starck. Se plaçant du point de vue de la victime, celui-ci voudrait qu'une présomption de responsabilité pèse sur toute personne qui, par son fait ou par sa chose, porte atteinte à l'intégrité physique d'un homme ou même d'une chose. Seule devrait avoir à prouver une faute la personne qui se plaint d'un préjudice invisible (atteinte à l'honneur ou à la personnalité, ou bien lésion d'un intérêt économique), puisque la probabilité des faits ne justifie plus alors la présomption.
À voir les choses concrètement, à vrai dire, on peut se demander si, en Europe occidentale, cette théorie bouleverserait l'étendue de la responsabilité : elle apporterait peut-être plus de simplification et de rationalisation que de modification dans les solutions actuellement admises.
Quelques développements éclairants sont intervenus dans le monde. Le plus marquant s'est produit en Nouvelle-Zélande. Des lois de 1972 et 1973 ont instauré un système qui apporte au problème des accidents corporels une réponse globale. Un organisme – l'Accident Compensation Commission, légèrement réorganisé en 1981 et devenu l'Accident Compensation Corporation – reçoit la triple mission de promouvoir la prévention des accidents (mission par la suite abandonnée), d'assurer l'indemnisation des victimes et de permettre ainsi leur rééducation personnelle et professionnelle. D'autre part, la protection accordée aux victimes est indépendante de la source de leur dommage : « à dommage égal, indemnités égales ». Tous les travailleurs, y compris les travailleurs indépendants, sont donc couverts de tous les dommages corporels accidentels et des maladies professionnelles. Mais sont couvertes[...]
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Écrit par
- André TUNC : professeur émérite à l'université de Paris-I
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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