RESSOURCES MINÉRALES
Estimer des réserves, mais disposer de ressources
Les prédictions pessimistes se fondent souvent sur une confusion entre réserves et ressources et oublient le fait que ces estimations sont constamment révisées. Les réserves correspondent à des quantités de métal pour des gisements connus dont le tonnage, la teneur et les conditions d’exploitation sont établis à partir de nombreux sondages et d’essais de traitement du minerai en laboratoire. Les ressources, quant à elles, correspondent à des quantités de métal estimées à partir de sondages plus espacés, voire extrapolées à des domaines géologiques aux caractéristiques similaires, mais pour lesquels aucune exploration n’a été réalisée.
Les estimations des réserves et des ressources évoluent au cours du temps au fur et à mesure de l’évolution du prix des métaux, de l’augmentation de la densité de forages, du développement de processus de traitement des minerais plus efficaces, du lancement de nouvelles campagnes d’exploration avec des outils de plus en plus performants, à des profondeurs de plus en plus grandes sur les continents et à l’extension des domaines prospectés au milieu sous-marin (plate-forme continentale, nodules de manganèse sur le plancher océanique, amas sulfurés sur les rides océaniques, etc.). Il faut donc rester tout à fait modeste sur ces estimations de réserves, qui ne reflètent que l’intensité de l’effort d’exploration par les géologues en fonction des budgets et des techniques disponibles à un instant donné. De plus, les problèmes d’approvisionnement pour de nombreuses ressources peuvent être résolus si des quantités suffisantes d’énergie à bas coût peuvent être disponibles. Par exemple, l’eau de mer peut être dessalée et les nombreuses substances dissoutes qu’elle contient, même à très faible teneur, peuvent être extraites ; de même, les minerais à très basse teneur en métaux peuvent être valorisés, le recyclage des déchets peut être accru…
En France, un rapport du Sénat de 2011 illustre bien ce débat. Ce rapport affirme que « le territoire français est dépourvu de ressources métalliques, hormis l’or de Guyane et le nickel de Nouvelle-Calédonie, ainsi que les nodules polymétalliques... Cette situation expose notre économie à une forte vulnérabilité aux aléas des marchés, tant pour les prix que pour les quantités ». Si la dernière phrase reflète bien la réalité française, la première devrait être modifiée de cette manière : « Les ressources métalliques ne sont pas exploitées sur le territoire français. » Les mines qui existaient ont fermé dans les années 1980 à 1990 lorsque les cours des métaux étaient très bas et aucune activité d’exploration minière significative n’a repris en France depuis plus de vingt-cinq ans, principalement du fait du refus croissant des populations à l’ouverture de carrières ou de mines souterraines. Il est toutefois admis de manière un peu contradictoire, dans ce même rapport quelques pages avant (p. 7) : « Il y a encore 30 ans, l’industrie minière française était florissante. Cette situation s’est ensuite dégradée du fait d’une évaluation trompeuse de notre destin économique, qui a conduit la France, comme les autres pays européens, à estimer que le métier minier, risqué, polluant et à faible rentabilité, ne méritait pas d’être maintenu. Cette erreur stratégique reposait sur l’idée que l’économie de services, vers laquelle s’orientaient les pays développés, n’utiliserait désormais que très peu de ces ressources de base et que leur obtention à faible prix resterait garantie. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien… » Faut-il cantonner l’activité extractive dans des pays lointains en augmentant les risques de rupture d’approvisionnement et les coûts de transport ?
La France reste toutefois un pays producteur significatif[...]
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Écrit par
- Michel CUNEY : directeur de recherche émérite au C.N.R.S., Centre de recherches sur la géologie des matières premières minérales et énergétiques, U.M.R. GeoRessources, Vandœuvre-lès-Nancy
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