RESTAURATION (architecture)
Les théories
À la fin du xviiie siècle furent effectuées les premières entreprises conduites selon des critères systématiques. Rome accueille les initiatives ambitieuses : une impatiente volonté de remettre en état les ensembles monumentaux de l'époque impériale s'y manifeste. On identifie la structure du grandiose forum de Trajan et, en travaillant au milieu de la végétation touffue des édifices du Moyen Âge et de la Renaissance, on retrouve une grande partie de la basilique Ulpia ; on met en valeur la colonne Trajane, le « volume » allégorique qui partageait l'espace devant les bibliothèques grecque et latine. Typique est l'intervention de Giuseppe Valadier concernant l'arc de Titus. Tenu pour une « sculpture monumentale », à partir du Moyen Âge celui-ci était devenu un morceau d'architecture incorporé dans les maisons construites par les Frangipanes. Valadier se distingua déjà par son sens de la mesure, favorisé non seulement par les conditions et le type même de l'œuvre, mais aussi par son intuition de restaurateur et par la bonne connaissance qu'il avait des arts de l'époque romaine tardive. Les critères qu'il adopta n'auraient pas été les mêmes s'il s'était agi de la restauration d'un édifice, car l'antinomie entre les nécessités pratiques et les exigences de l'esthétique lui aurait alors posé des problèmes autrement complexes et périlleux. Là où l'on dut satisfaire à ces deux exigences, culturelle et pratique, on tomba dans le compromis et dans des solutions ambiguës.
À partir de la quatrième décennie du xixe siècle s'affirma dans le domaine de la restauration un courant nouveau, qui toutefois portait la marque néo-classique comme le précédent. Le restaurateur est surtout attentif au « style » dont relève le monument et il s'attache à retrouver les caractéristiques de l'œuvre. Pour mettre en évidence les traits généraux que reprennent les éléments particuliers d'une œuvre donnée, on émousse inévitablement, au profit de la recherche du « style », la singularité du monument. La restauration se préoccupe ainsi de recréer un style et, en définitive, impose des reconstructions, des réfections, des compléments, fondés sur des analogies et des parentés typologiques avec d'autres œuvres. On ne travaille pas seulement sur les structures ; même les ornements architecturaux (statues, bas-reliefs, éléments décoratifs) se trouvent entrer dans le projet de restitution, à l'égal des parties massives.
La restauration attentive au style (restauro stilistico) donne corps à une abstraction, le style précisément, en mettant en œuvre la reconstruction idéale d'un monument utopique. Portée à ses conséquences extrêmes par Viollet-le-Duc, son plus typique représentant, une telle méthode fut pratiquée avec des résultats assez paradoxaux.
Le restaurateur se sentait en droit d'attribuer aux œuvres une intégrité physique et figurative qui n'avait sans doute jamais existé et qui était alors, d'une certaine façon, antihistorique et utopique. Notre-Dame de Paris peut être regardée comme un exemple du résultat pratique d'une adhésion absolue à cette théorie. Viollet-le-Duc, en raccommodant les innombrables lésions et démaillages du monument, en remplissant les endroits mutilés sur le modèle des parties authentiques ainsi que d'exemplaires analogues, en glaçant la silhouette du monument en une artificielle fraîcheur, détruisit en fait la qualité poétique et spécifique de cette architecture.
La réaction provoquée par les expériences contradictoires des néo-classiques explosa avec les romantiques, au moment même où s'affirmait cette méthode de restauration axée sur le style. Les thèses et la pratique de Viollet-le-Duc rencontrèrent, en effet, une opposition irréductible, même chez les[...]
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Écrit par
- Colette DI MATTEO : inspecteur des Monuments historiques
- Piero GAZZOLA : président de l'Icomos (Conseil international des monuments et des sites)
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