RESTAURATION
La vie politique
Les cadres de la vie politique
La Charte de 1814 fixe le cadre institutionnel du régime. À côté du roi, elle établit une représentation de la nation, sous forme de deux chambres, l'une héréditaire et que le roi complète à son gré, la Chambre des pairs, l'autre élue, la Chambre des députés des départements. Les pouvoirs de ces deux Chambres sont limités à deux fonctions : le vote de la loi et le contrôle du budget. Elles n'ont pas le droit d'initiative des lois, mais seulement celui d'amender le texte proposé par le roi, ou de le rejeter ; au demeurant, si les lois votées sont importantes, elles sont peu nombreuses : une trentaine chaque année ; les sessions parlementaires ne durent pas plus de cinq ou six mois par an. Quant au budget, il n'est pas analysé par chapitres et articles, mais voté globalement pour chaque ministère, et par grand service à partir de 1827.
La responsabilité du gouvernement devant les Chambres n'est pas inscrite dans les textes. Aussi tout désaccord entre le Parlement et le ministère risque-t-il d'amener une crise, qui ne peut être tranchée que par le roi. Louis XVIII et Charles X tiennent fermement à leur droit d'appeler et de maintenir au ministère les collaborateurs qui leur conviennent, quelle que soit l'opinion des Chambres : en 1816, Louis XVIII dissout la « Chambre introuvable » qui refuse sa confiance aux ministres modérés ; en 1830, Charles X agit de même avec une assemblée libérale qui affirme que « le choix de la couronne doit nécessairement tomber sur des hommes qui inspirent assez de confiance pour rallier autour de l'administration l'appui des Chambres ». L'un des éléments essentiels d'un régime parlementaire, au sens actuel du mot, est donc absent de la pratique politique du temps.
Toutefois, le trait le plus caractéristique de la vie politique de la Restauration se trouve dans l'étroitesse du pays légal. Le régime censitaire n'accorde le droit de vote qu'aux Français mâles âgés de plus de trente ans et payant au moins 300 francs de contribution directe. Sur 9 millions d'adultes, il y a environ 110 000 électeurs en 1817 ; par le jeu des dégrèvements d'impôts, ils ne sont guère plus de 89 000 en 1827 ; il y a 37 électeurs pour 10 000 habitants en 1817, et 27 en 1828. Tandis que la population française s'accroît et s'enrichit, le pouvoir politique se concentre dans un nombre de mains de plus en plus restreint. Les conséquences en sont simples : une profonde indifférence des masses populaires à la vie politique, particulièrement en province, où l'isolement et l'analphabétisme sont encore importants ; une irritation des milieux intellectuels, de la petite bourgeoisie et des artisans, que le cens écarte de débats qui les intéressent et dont la presse politique, l'une des meilleures que la France ait connues, entretient le malaise, jusqu'à l'explosion de colère de 1830.
Le pays légal est façonné, d'autre part, par le mode d'imposition : l'impôt foncier étant proportionnellement plus lourd que celui qui porte sur les propriétés bâties et que la patente, 80 p. 100 des électeurs sont des propriétaires fonciers. Seul Paris donne l'avantage aux commerçants et aux membres des professions libérales. C'est la bourgeoisie foncière qui tient la Chambre des députés sous la Restauration, ce qui explique l'extrême modération des choix politiques des assemblées du régime.
Les députés eux-mêmes doivent avoir au moins quarante ans et payer 1 000 francs de contribution directe. Les éligibles ne sont pas 15 000 pour la France entière. La moitié des députés sont nobles, 40 p. 100 d'entre eux sont propriétaires fonciers ; près de 40 p. 100 encore sont des fonctionnaires, que leur emploi rend dépendants du pouvoir exécutif ; les membres[...]
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Écrit par
- Philippe SUSSEL : agrégé de l'Université, professeur au lycée Henri-IV, Paris
Classification
Médias
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