RESTAURATION
L'économie et la société
Cadres généraux
La France de 1815 compte environ 29 millions d'habitants ; le recensement de 1831 s'établit à 32 569 223 âmes. Cet accroissement, marqué par une poussée particulièrement forte dans les dix premières années de la Restauration, semble témoigner d'une bonne santé démographique. Pourtant, le taux de natalité est en baisse (33 p. 1 000 en 1801, moins de 30 p. 1 000 après 1829), mais, dans le même temps, le taux de mortalité descend à 25 p. 1 000. Citadins et ruraux ne sont distingués par la statistique qu'à partir de 1846 : sous la Restauration, la part de la population paysanne doit approcher 80 p. 100.
La Restauration a joué un rôle médiocre dans l'équipement économique de la France : les routes, laissées dans un état abominable à la fin de l'Empire, ont été partiellement refaites, mais non étendues ; il n'y a, en 1830, que vingt kilomètres de voies ferrées ouvertes, entre Saint-Étienne et Andrézieux ; la masse monétaire s'est accrue de façon insignifiante, et il ne circule que 223 millions en billets de banque en 1830. La Banque de France, qui ne possède pas de succursale provinciale, procède surtout à des opérations de réescompte. C'est donc aux banques privées qu'il appartiendrait d'animer la vie économique de la France : or, la pratique des dépôts et comptes courants n'est pas encore entrée dans les mœurs, et la gestion des capitaux revient presque uniquement aux notaires. On cite, en province, des prêts consentis à des taux atteignant 30 p. 100 ! La spéculation boursière ne s'adresse encore qu'à des capitalistes qui en font métier.
Enfin, la politique douanière de la monarchie restaurée est étroitement protectionniste : capitalistes, manufacturiers, grands propriétaires terriens entendent que l'État soutienne leurs intérêts. Les droits à l'importation sur les bovins, le coton, les laines, les fers, les fontes, ne cessent de croître : le tarif de 1822 marque le triomphe définitif du sucre de betterave sur la canne antillaise. Après 1826, les armateurs protestent contre ce régime qui les ruine, les techniciens signalent les dangers de stagnation qui menacent une sidérurgie trop protégée. Rien n'aura été changé pourtant en 1830.
Au total, les progrès de la production sont minimes, sauf pour le sucre de betterave (six fois plus en 1830 qu'en 1815) : la surface cultivée en blé passe de 4,5 millions d'hectares à 5 millions ; le vignoble s'est légèrement accru ; les céréales secondaires sont stables ; le lin et le chanvre amorcent un recul devant la diffusion des tissus de coton. Malgré l'institution, dès 1819, de l'échelle mobile sur les blés importés, les paysans français n'échappent pas au marasme agricole qui caractérise l'Europe entre 1820 et 1830. Le nombre des machines à vapeur s'élève de 200 en 1815 à 525 en 1832 ; en 1830, les ateliers français peuvent en fabriquer une cinquantaine par an. L'extraction de la houille passe de 1 million de tonnes en 1815 à 2,5 en 1830, mais la grande majorité des hauts fourneaux fonctionnent encore au bois. Les entreprises plus importantes (Saint-Gobain, Fourchambault, Guebwiller) n'ont pas plus de 3 000 ouvriers. En fait, l'industrie textile demeure prépondérante et sa très faible progression grève lourdement la croissance économique de la France. L'industrie présente de 1815 à 1820 un taux d'accroissement annuel de 3,74 p. 100 ; de 1820 à 1825, ce taux s'abaisse à 3,05 p. 100, et à 1,46 p. 100 de 1825 à 1830. Les effets bénéfiques de la reprise du commerce international et de celle du bâtiment après la chute de l'Empire paraissent se faire sentir jusque vers 1824 ; après cette date, on assiste à une récession, peut-être due à la répercussion sur l'industrie du tarif douanier excessivement protectionniste (surtout après 1826) ou encore à la crise agricole.[...]
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Écrit par
- Philippe SUSSEL : agrégé de l'Université, professeur au lycée Henri-IV, Paris
Classification
Médias
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