RESTAURATION
Le mouvement des idées
La Restauration fut une période d'intense activité intellectuelle. En 1825, l'édition française publie entre 13 et 14 millions de volumes, dans un pays où pourtant les trois quarts de la population sont illettrés. Les titres des journaux et périodiques, durables ou éphémères, catalogués, sont au nombre de 2 278. La censure ne frappait pas, en principe, les périodiques littéraires et il n'y a d'autre contrôle sur les livres que de moralité publique. Une longue période de paix, la vie politique fermée au plus grand nombre des intellectuels, un contact personnel pris à l'occasion de l'émigration et de la guerre avec la pensée européenne et même américaine permirent aux savants, aux philosophes et aux écrivains français d'élargir le champ de leurs recherches et de fonder des écoles nouvelles dans les domaines de la pensée politique, de la littérature et de l'art.
Les sciences exactes, déjà encouragées par la Révolution et l'Empire, brillent en France d'un vif éclat : il suffit de rappeler ici les travaux de Cauchy sur le calcul infinitésimal et de Fourier sur les séries et la propagation de la chaleur, de Fresnel en optique, d'Ampère en électricité, de Carnot sur la thermodynamique, de Gay-Lussac et Chevreul en chimie organique. Les sciences naturelles sont illustrées par Lamarck qui formule des hypothèses sur l'évolution des êtres vivants, que reprendra Darwin, et surtout par Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier ; le premier expose dans sa Philosophie anatomique l'hypothèse transformiste, le second, protestant fervent, défend l'hypothèse fixiste et réussit à l'imposer pour longtemps aux milieux scientifiques français. Les médecins de valeur sont nombreux ; le plus grand d'entre eux, Laennec, donne à la méthode de l'auscultation des fondements solides. Les explorateurs français, et parmi eux Caillié qui atteint Tombouctou, Dumont d'Urville qui parcourt l'Océanie, sillonnent mers et continents. Les orientalistes français prennent le premier rang dans leurs spécialités : ce sont Rémusat pour le chinois, Burnouf pour le persan et le sanscrit, Silvestre de Sacy pour l'arabe, et surtout Champollion qui, en 1822, déchiffre les hiéroglyphes. L'histoire s'établit sur des bases scientifiques (fondation de l'École des Chartes, 1821) avec les ouvrages d'Augustin Thierry, de Barante, de Guizot et de Thiers, qui conservent de réels mérites littéraires, même si le contenu en est souvent dépassé.
En littérature et dans les arts, l'influence du romantisme anglais et allemand balance, à partir de 1820 (Lamartine, Méditations poétiques), l'héritage classique. Les romantiques sont royalistes jusque vers 1827 ; à cette date, ils rallient le groupe libéral, par réaction contre un régime qui rejette Lamennais et Chateaubriand. L'année 1830, qui est celle de la bataille d'Hernani, voit l'Académie s'incliner et élire Lamartine. Géricault, Ingres, Delacroix dominent le groupe des peintres, Berlioz celui des musiciens.
Chaque formation politique a ses théoriciens, réactionnaires et ultramontains comme Bonald et Joseph de Maistre, et même avec Lamennais jusqu'en 1828, déiste ou athée et démocrate comme Destutt de Tracy, libéral enfin comme Benjamin Constant. La philosophie éclectique de Cousin règne sur l'Université, malgré les brimades gouvernementales, tandis que Maine de Biran poursuit ses recherches solitaires, qui ne seront publiées qu'après sa mort (1824).
Enfin, dans des sens tout différents et avec un succès inégal, le comte de Saint-Simon et Charles Fourier remettent en cause la structure même de l'ordre social et tracent les grandes lignes d'une société nouvelle.
En quelques années, les intellectuels français reprirent la primauté qu'ils avaient perdue depuis[...]
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Écrit par
- Philippe SUSSEL : agrégé de l'Université, professeur au lycée Henri-IV, Paris
Classification
Médias
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