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RESTITUTION DES BIENS CULTURELS

La restitution à leurs propriétaires légitimes des biens culturels et plus spécialement des œuvres d'art sortis de leur territoire d'origine par un État envahisseur ou à la suite d'actes criminels commis par des particuliers est de nos jours un thème hautement médiatique. Deux facteurs conjoncturels sont venus conférer à ce sujet son acuité présente : l'implosion des régimes communistes en Europe, qui s'acheva avec la dissolution de l'U.R.S.S., et la redéfinition des rapports entre les colonies et leurs anciennes métropoles.

Une prise de conscience politique

L' implosion des régimes communistes en Europe, d'abord et surtout en U.R.S.S., a permis de mettre enfin un terme à la Seconde Guerre mondiale. La fin des hostilités en 1945 ne signifiait pas la fin de la guerre qui, sur le plan politique, ne s'est terminée qu'en 1990 avec la signature à Moscou du traité dit « deux plus quatre » entre les deux Allemagnes et les quatre puissances occupantes (États-Unis, U.R.S.S., Royaume-Uni et France). L'Allemagne ainsi réunifiée est redevenue un État normal, qui peut revendiquer ce qui lui appartient de droit. Cela a permis aussi de liquider une autre conséquence de la guerre, le pacte de Varsovie de 1955 (alliance militaire entre huit pays du bloc communiste) et de rouvrir, ce faisant, les dossiers litigieux entre les pays de l'Europe centrale et orientale et l'U.R.S.S., dont celui des biens culturels pillés dans ces pays par l'Armée rouge, qu'il était auparavant interdit d'évoquer. Vint alors la dissolution de l'U.R.S.S. et une période exceptionnelle de transparence au cours de laquelle fut dévoilée la présence en Russie des œuvres pillées par les nazis dans les pays qu'ils avaient occupés ainsi que celles d'œuvres ayant appartenu à l'Allemagne. Les unes et les autres furent transférées en secret en U.R.S.S. au titre de butin de guerre et y ont été, toujours en secret, gardées depuis lors.

Par ailleurs, les pays colonisés par les Européens ont fini par accéder à l'indépendance dans les années 1960 ; seules les colonies portugaises ont dû attendre dix ans de plus. Mais le problème des biens culturels transférés de diverses manières dans les métropoles n'a pas été abordé à l'époque, sinon de façon marginale, et a resurgi au cours des années 1990. Une décolonisation mentale et culturelle à certains égards plus difficile à conduire que l'émancipation politique est désormais en cours tant chez les anciens colonisés que chez les anciens colonisateurs. Chez les premiers, elle est allée de pair avec la construction des États ou avec la montée en puissance financière de la Chine, de l'Inde et des pays producteurs de pétrole. Chez les seconds, elle résultait parfois de considérations politiques ou du désir de s'assurer de bonnes relations avec les fournisseurs de matières premières. Mais d'autres motivations plus nobles, telles que l'effacement des méfaits de ces périodes de sujétion passée, entraient aussi en ligne de compte.

Ces deux facteurs conjoncturels n'auraient pas produit des effets aussi puissants si des tendances plus profondes n'en avaient amplifié l'action. Mentionnons quelques-uns de ces facteurs, en allant du plus récent au plus ancien et du plus superficiel au plus profondément enraciné.

– La montée du prix des œuvres d'art sur un marché désormais globalisé concerne toutes les époques et toutes les civilisations. Elle résulte, d'une part, de la raréfaction de l'offre de l'art ancien quel qu'il soit, surtout s'agissant d'œuvres de caractère exceptionnel immobilisées dans les musées, et, d'autre part, de l'entrée sur le marché de nouveaux acheteurs dotés de puissants capitaux, mus par des mobiles patriotiques et souvent poussés par leurs États à faire revenir au pays les[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au C.N.R.S., directeur scientifique au Musée de l'Europe, Bruxelles

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