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RESTITUTION DES BIENS CULTURELS

Les pillages pendant la Seconde Guerre mondiale

Le dossier des œuvres d'art pillées par les nazis dans les pays qu'ils ont occupés est clos pour l'essentiel, la plupart des œuvres ayant été restituées dans l'immédiat après-guerre. Restent toutefois des familles juives spoliées auxquelles leurs biens n'ont pas été rendus et qui ont dû parfois intenter des procès pour les récupérer. En France, afin de permettre aux éventuels ayants droit de reconnaître leurs biens, sont inventoriées sous le sigle M.N.R. (Musées nationaux Récupération) les œuvres dont les propriétaires n'ont pas pu être identifiés. Au Royaume-Uni, la loi Holocaust (Return of Cultural Objects), votée le 26 janvier 2009 et autorisant les musées nationaux à restituer les œuvres d'art pillées pendant l'ère nazie, a reçu l'accord de la reine le 12 novembre de la même année. D'après les listes qui circulent, des dizaines de milliers d'œuvres n'ont toujours pas retrouvé leurs propriétaires légitimes. Mais cela est surtout lié aux difficultés que rencontrent les familles à fournir des titres de propriété recevables en droit. Sur le principe, tout le monde est d'accord.

Mais, en revanche, aucun principe ne régit le destin des œuvres disparues que la Russie ou la Pologne comptent par centaines de milliers. Il se peut qu'elles n'existent plus. Il est tout aussi possible que certaines soient toujours cachées par des particuliers qui espèrent que le temps fasse en sorte que possession vaille titre. Ainsi, certaines œuvres tenues pour détruites ont réapparu sur le marché de l'art, et il était difficile d'en obtenir la restitution, les possesseurs opposant à cette requête, parfois à raison, l'argument de la bonne foi avec laquelle ils prétendent les avoir acquises. Mais de tels cas ne risquent pas d'être très nombreux. La question redoutable posée par les œuvres disparues est différente : on peut restituer une œuvre illicitement expatriée, mais comment compenser la destruction des œuvres par définition irremplaçables ? Et cela surtout quand elle était non pas accidentelle, mais due à des opérations militaires et préméditée en vue de priver un peuple de son patrimoine culturel, ce dont la Seconde Guerre mondiale à l'Est fournit de nombreux exemples. C'est cette question qui empoisonne le dossier des restitutions en donnant prise, surtout en Russie, à des instrumentalisations politiques diverses.

En effet, parmi les séquelles de la Seconde Guerre mondiale, les plus difficiles à effacer de ce point de vue sont les résultats des pillages opérés par l'armée soviétique non seulement en Allemagne orientale, y compris à Berlin, mais aussi dans les pays où se sont déroulés les combats, notamment en Hongrie et sur les territoires occidentaux de la Pologne qui à l'époque étaient allemands. Ces pillages sont longtemps restés un sujet tabou. À la fin des années 1950, quand l'U.R.S.S. rendit à la R.D.A. les œuvres de la galerie de Dresde et l'autel de Pergame du musée de Berlin, il fut question du « sauvetage » par l'armée soviétique des trésors culturels allemands. À l'époque, la question fut posée des objets portés disparus qui avaient appartenu aux musées de Berlin, et dont on savait qu'ils furent cachés dans les mêmes abris. Mais elle ne fut posée qu'en Occident. Dans la R.D.A. de même qu'en Hongrie et en Pologne, le sujet restait couvert par le secret. C'est seulement dans les années 1990 que la Russie a reconnu détenir des biens pillés par les nazis et accaparés ensuite par l'armée soviétique, dont les archives françaises de ministères, d'hommes politiques, de juifs, socialistes ou francs-maçons et de fédérations syndicales. Il a fallu attendre 1994 pour qu'elle admette que « le trésor de Troie » découvert par Heinrich Schliemann en 1873 et légué par lui au musée d'Ethnologie de Berlin[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au C.N.R.S., directeur scientifique au Musée de l'Europe, Bruxelles

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