RÉALISME RETOUR AU
Contre la tyrannie de l'avant-gardisme
Aux États-Unis, l'exemple de Dine n'est pas isolé. À l'écart de centres comme New York ou Los Angeles, une ville comme Chicago a gardé une tradition qui s'est développée en marge des courants de l'avant-garde et qu'on a pu rapprocher du réalisme fantastique : qu'on songe à Rosofsky, Irving Petlin et James Mc Garell. Aujourd'hui, marginale, l'œuvre d'un Robert Guinan (né en 1934) témoigne de cette révolte contre la tyrannie de l'avant-gardisme de l'école de New York et contre le formalisme en art. Guinan décrit avec acuité dans ses dessins et ses tableaux le petit univers du quartier noir où il vit, ses habitants, ses bars, ses boutiques : réalisme du quotidien, réalisme des humbles et des ouvriers, qui est en même temps, passé la parenthèse abstraite, un retour aux sources de la peinture américaine, à la tradition de Edward Hopper et de Ben Shan, ou plus lointainement, de Winslow Homer et de Thomas Eakins. Ce même retour à la tradition réaliste américaine peut s'observer chez des artistes plus jeunes comme John Bennett (né en 1943), Sidney Goodman (né en 1936) ou Michael Mazur (né en 1943).
On a cité le nom de Ronald Kitaj : compatriote de Jim Dine, mais établi en Angleterre depuis de nombreuses années, il fut pendant longtemps à Londres une autre des figures turbulentes de l'establishment pop. Depuis le début des années 1970 cependant, il opère le même revirement qui l'amène à militer inlassablement en faveur du retour à la figure et au dessin d'après modèle vivant. En 1975, il entame ainsi, avec Jim Dine et David Hockney, une réflexion passionnée, dont la presse se fait largement l'écho, sur la nécessité du retour au dessin d'après nature. L'année suivante, il organise une exposition, The Human Clay, qui réunit une quarantaine d'artistes anglo-saxons chez qui se marque cette volonté d'un retour au réalisme et à la figure. Dans la préface, qui sonne comme un manifeste, il écrit : « N'écoutez pas les imbéciles qui disent que peindre des gens n'est plus d'aucune importance, ou bien encore que la peinture est morte. Il reste beaucoup à faire [...]. Dessiner une figure humaine isolée est une chose fantastique. Il semble que ce soit impossible de le réaliser aussi bien qu'ont pu le faire, dans le passé, ne serait-ce qu'une demi-douzaine de gens. C'est, selon mon expérience, dans toute la pratique de l'art, la chose la plus difficile. » Lui-même entreprend une série de pastels, des visages de femmes pour la plupart, mais aussi des scènes de rue, d'un réalisme aigu. L'influence de Kitaj sur la renaissance du réalisme en Grande-Bretagne s'explique aussi par la situation historique propre à l'art britannique. Lui-même l'oppose à la situation américaine : « Les artistes américains, dit-il, qui comptent véritablement n'ont pas été capables de renouveler un art de la représentation qui s'est trouvé chez eux interrompu. » En Angleterre, au contraire, la tradition réaliste s'est maintenue à travers l'exemple d'aînés comme Frank Auerbach, Lucian Freud et bien sûr Francis Bacon dont les œuvres ont traversé les vagues de l'avant-gardisme sans en être influencées. Elle s'est encore trouvée confortée par la manifestation de la personnalité précoce de David Hockney (né en 1937). Celui-ci, après avoir un temps partagé le maniérisme pop avec ses amis Allen Jones et Peter Phillips, se tourne à son tour, début 1970, vers le portrait d'après nature. Ses dessins au trait, dont la sûreté et l'élégance rappellent le coup de plume du Picasso néo-classique des années 1910, et ses crayons de couleur ont suffi à établir sa réputation internationale. Ses professions de foi en faveur de l'art ancien, de la fréquentation des musées, de[...]
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Écrit par
- Jean CLAIR : directeur du musée Picasso
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Médias
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