RÉALISME RETOUR AU
Une tradition réaliste nationale
Ce regain d'une tradition réaliste nationale se montre avec le plus d'évidence en Espagne, plus précisément en Castille. Alors que partout, en Europe et aux États-Unis, il semble que l'emprise des courants abstraits ou bien de courants intellectualistes comme l'Art conceptuel, où la théorie prime sur la pratique, ait entraîné la décadence de l'enseignement de l'art et la perte de tout métier, à Madrid au contraire, une situation paradoxale a voulu que, favorisé par un régime politique réactionnaire, un enseignement de l'art se soit maintenu sous ses formes les plus traditionnelles, qui ait à son tour entraîné la renaissance d'une peinture réaliste fortement engagée dans la dénonciation sociale de ce même régime. Furent ainsi formés dans les années 1950, à l'école des beaux-arts San Fernando de Madrid, un certain nombre d'artistes qui constituent aujourd'hui l'école réaliste espagnole : Francisco Lopez, Julio Hernandez, Isabel Quintanilla, Maria Moreno et le plus célèbre d'entre eux, Antonio Lopez-Garcia (né en 1936). C'est de 1956 que datent les premières peintures de ce dernier, bien avant donc que se manifeste ailleurs le retour général au réalisme. Son œuvre se partage de manière égale entre la peinture à l'huile, le dessin à la mine de plomb – que pratiquent aussi avec une extraordinaire maîtrise les autres artistes cités –, et la sculpture en bronze. Les sujets vont de la nature morte, dans la tradition du bodegon, à la scène d'intérieur et au paysage urbain ; un métier très classique, à la limite parfois de l'académisme, s'allie à une observation minutieuse et aiguë des aspects les plus prosaïques de la vie quotidienne à Madrid dans les dernières années du franquisme.
Une seconde vague réaliste s'est entre-temps dessinée, composée d'artistes plus jeunes, tous nés après 1946, et chez qui le brio technique l'emporte parfois sur la sincérité de l'émotion. Ce sont Guillermo Lledo, Florencio Galindo, Mathias Quetglas et Daniel Quintero. Proches de ce vérisme madrilène sont des artistes latino-américains comme le Chilien Claudio Bravo ou encore Gregorio Cartuas et Saturnino Ramires.
L'Allemagne, qui fut dans les années 1920 le théâtre de l'étonnante école réaliste de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit) qu'on redécouvre aujourd'hui, connaît une situation analogue à celle de l'Espagne en cela que presque tout le courant réaliste paraît se concentrer en une seule ville, Berlin. L'ancienne capitale du Reich, en raison sans doute de son statut politique particulier et de son isolement, a vu la naissance, en 1972, d'un mouvement qu'on a appelé le Prinzip Realismus, composé de jeunes peintres qui prétendent renouer avec la dénonciation sociale et stylistique propres au réalisme germanique des années 1920, en particulier du Novembergruppe et de la Neue Sachlichkeit. Ses principaux représentants sont Wolfgang Petrick (né en 1939), Peter Sorge (né en 1937), Klaus Vogelgesang (né en 1945) et Maina Munsky (née en 1943). Les deux premiers se livrent à une charge extrêmement violente des tares de la société ouest-allemande ; d'où le nom qu'on a parfois accolé à leur forme de peinture : « réalisme capitaliste » ou encore « réalisme critique » à travers des traits formels – un graphisme acéré, l'apologie de la laideur, le recours fréquent au collage d'éléments hétéroclites, un chromatisme violent et dissonant – qui sont directement empruntés à la tradition plastique de George Grosz, d'Otto Dix et de Georg Scholz. L'emprunt va parfois jusqu'au pastiche. Le réalisme de Munsky est différent : plus photographique, traité dans une pâte lisse et délicate, et prenant sa thématique presque exclusivement des[...]
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Écrit par
- Jean CLAIR : directeur du musée Picasso
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Médias
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