RÉVÉLATION
La révélation a été comprise de façon classique comme la communication d'une vérité par un auteur inspiré de Dieu, dont le message a été confirmé par des signes. Elle a été ainsi interprétée dans la catégorie de la parole et du discours. La réflexion contemporaine procède à partir de la Bible à un renouvellement de cette définition en reconnaissant que la révélation en premier lieu ne se donne pas comme une somme d'énoncés livrés par un intermédiaire, mais comme un acte de Dieu ; qu'en deuxième lieu elle inclut d'autres manifestations que la parole : il y a des faits porteurs de révélation ; le passage de Dieu se manifeste comme une trace au sein d'un peuple et s'inscrit dans une histoire ; qu'enfin elle est moins expression de paroles qu'événement : elle se résume dans un face à face, où le nom de Dieu est invoqué plutôt qu'évoqué, car le nom de Dieu est imprononçable. Ainsi reprise, la notion de révélation inclut à la fois un sens précis, propre à la révélation judéo-chrétienne, et un sens large, dans lequel peuvent venir s'inscrire d'autres conceptions de la révélation, en particulier celles de l'islam et de l'hindouisme. Quant aux traditions auxquelles la notion de révélation demeure apparemment étrangère en raison de l'absence de référence à tout logos, c'est en général à partir d'une réflexion sur la conception de la nature et de l'écriture que la question se trouve néanmoins abordée, la pensée d'un peuple laissant toujours entrevoir à son origine comme dans son mouvement une différence et la trace d'une altérité qui est le signe d'une transcendance (ou, plus exactement, d'une transascendance).
La révélation dans la Bible
Dans la Bible, le fait de la révélation est exprimé principalement par le verbe galah ; et le terme gilouï désigne le « dévoilement » de ce qui était caché, l'« exil » de ce qui résidait d'abord chez soi et en soi et le « déploiement » de ce qui était initialement enveloppé sur soi. La tradition juive parlera d'un dévoilement (ou exil) de la présence : gilouï shekinah. La révélation n'est donc pas d'abord présence de Dieu, mais sortie de Dieu hors de soi dans le monde. Cependant, en s'exilant dans la création, Dieu ne lui est pas demeuré étranger : il a voulu s'y faire entendre, s'y faire voir, s'y faire « connaître » ou plutôt rencontrer par un peuple qui l'accueille. Cette rencontre de l'homme et de Dieu reste une et inexprimable, bien qu'elle soit donnée à tout un peuple et qu'elle s'étale dans le temps : elle se manifeste « de multiples façons » (Luc, i, 1) sans qu'aucun événement puisse jamais l'épuiser dans sa totalité.
Il s'agit cependant d'une rencontre qu'on peut dire personnelle : le Dieu unique s'est manifesté aux patriarches ; il a « parlé avec eux », et de là vient le seul nom dont on puisse le désigner : le « Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob », la pluralité des références étant ici la garantie de son unicité. Il s'agit d'une rencontre effective et localisée, mais qui échappe au temps et à l'espace, comme l'indiquent l'échelle de Jacob ou le buisson ardent de Moïse, qui « brûle sans se consumer ». Cette rencontre a eu enfin pour témoin tout un peuple (Ex., xix) : au Sinaï, chaque israélite est dit avoir vu Dieu « face à face », plus clairement que ne le verront les plus grands des prophètes. Pour autant, la révélation advenue n'est pas close, et un prophète semblable à Moïse demeure attendu (Deut., xviii, 18). La trace messianique demeurera, à travers le temps, la clef d'une interprétation de l'histoire à la lumière de la révélation et le soutien d'une espérance qui[...]
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Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
Istina
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