RÉVÉLATION
La pensée philosophique moderne
La notion grecque de logos a permis à la théologie chrétienne de rendre compte de la révélation accordée d'abord aux patriarches et à Moïse, puis advenue en Jésus-Christ comme rencontre d'une personne, elle-même Verbe divin. Cette donnée a été mise en cause pour la première fois par Spinoza (Tractatus theologico-politicus), pour qui l'attribution à Dieu du concept de personne est une représentation religieuse, non un concept spéculatif, Dieu est nature, et la révélation se confond avec la connaissance de cette nature. Hegel, en héritier de Spinoza, admet que juifs et chrétiens puissent reconnaître en Dieu la personnalité, ce qui leur permet de tenir la Bible pour révélée. Mais pour lui la révélation s'identifie avec le mouvement même de la dialectique, c'est-à-dire de la négativité. Elle est irruption dans l'histoire, illumination de la raison ; et son objet est de faire connaître à l'homme sa destinée. En soumettant la raison à la révélation, les théologiens ont introduit l'arbitraire dans l'activité de l'absolu. La religion manifestée n'est pas autre chose que la religion rendue accessible à la raison. Dieu ne peut donc surgir dans l'histoire qu'au terme de l'évolution spirituelle, au moment où le chrétien prend conscience de son unité avec Dieu en Jésus et où se trouve révélé à l'esprit ce qu'est Dieu. L'important n'est pas que la vérité ait été octroyée à l'homme dès l'origine et de l'extérieur, mais que l'homme puisse la pénétrer aujourd'hui et du dedans, avec le langage de la philosophie. L'effort de la raison pour pénétrer l'Écriture est manifesté dans la mesure où l'individu pense enfin l'universel (Hegel, L'Esprit du christianisme et son destin ; Phénoménologie de l'Esprit).
Schelling a récusé la tentative hégélienne dans son cours à l'université de Berlin de 1850-1852 (Philosophie de la Révélation) en cherchant à ramener la négativité hégélienne vers une positivité, voire vers l'irrationnel : « Rien n'est plus irrationnel que de vouloir rationaliser ce qui ne se donne pas pour rationnel. » Rejetant donc la prétention au rationnel, Schelling remplace au cœur du réel le rationnel par l'absolu (l'impensable, das Unvordenkliche). La révélation ne peut être qu'expliquée, c'est-à-dire recevoir un sens de l'effort de la raison. La part de négativité se trouve au niveau de l'historicité de la révélation, où intervient la liberté de l'homme. L'homme a la possibilité de poser le monde pour soi et hors de Dieu. La rédemption ne peut se réaliser que par une abnégation, par l'acte de « kénose » de Dieu dans l'humanité. Mais cette kénose n'a de sens qu'eu égard à une positivité, à une spécificité de la révélation par rapport à la raison humaine.
La philosophie idéaliste, dans son ensemble et dans ses oppositions, ne fait que manifester que la révélation a toujours été pensée comme objet d'une onto-théologie. Critiquée par Kierkegaard du point de vue de la foi, et par Feuerbach et par Marx du point de vue de l'athéisme, cette onto-théologie fait aujourd'hui l'objet d'un dépassement. L'effort de la pensée contemporaine consiste soit à faire retour à l'origine, c'est-à-dire à penser non la révélation mais dans la révélation (philosophie existentielle), soit à rappeler que la révélation est toujours la révélation d'un autrui (E. Lévinas) : de Dieu nous ne pouvons saisir que la trace ; la révélation se donne à penser seulement quand elle est reçue comme l'appel d'un visage, qui demande à être reconnu, rencontré dans un pur « face à face », et quand elle est acceptée comme exigence [...]
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Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
Istina
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