- 1. Aux origines du mot revenu
- 2. Délimitation du concept de revenu national
- 3. Le revenu en tant que produit de l'agriculture : le point de vue des physiocrates
- 4. Le revenu national chez les classiques anglais
- 5. L'abandon de la vision classique
- 6. À propos de la pertinence de la notion de travail productif
- 7. Tentatives de mesure du revenu national et choix politiques
- 8. L'importance prise par la comptabilité nationale dans l'après-guerre
- 9. Les trois approches pour saisir le revenu national
- 10. Décomposition du revenu national lors de sa présentation
- 11. Consommation intermédiaire et utilisation finale
- 12. Le débat sur les prix
- 13. Bibliographie
REVENU NATIONAL
À propos de la pertinence de la notion de travail productif
Il existe une tendance, chez les historiens et théoriciens de la comptabilité nationale (Paul Studenski, Alfred Sauvy, François Fourquet, par exemple) à considérer que la distinction entre activités productives et improductives retenue par Smith et les classiques n'est qu'un préjugé qui aurait retardé le développement de la comptabilité nationale moderne. Ces auteurs justifient leur position en remarquant que tant la théorie économique que la comptabilité nationale ont abandonné une telle distinction, la considérant non seulement comme inutile mais aussi comme imprégnée de jugements de valeur.
Il semble néanmoins excessif de condamner la distinction entre productif et non-productif chère à Smith et aux classiques, sans tenir compte du fait que les préoccupations de ces penseurs étaient très différentes de celles des comptables nationaux d'aujourd'hui.
Ainsi, Adam Smith semble s'être tout particulièrement intéressé aux facteurs qui influent sur le rythme de la croissance économique. Or, de ce point de vue, il semble légitime de s'interroger sur le rôle respectif des paysans et des ouvriers, d'un côté, des prêtres et des militaires, de l'autre.
Smith s'est aussi demandé comment un pays peut constituer et maintenir une richesse solide et durable. Ainsi, il avait constaté la ruine des villes de la ligue hanséatique (dont la richesse était fondée essentiellement sur le commerce international), tandis que les Flandres, malgré l'effondrement de leur commerce extérieur, étaient toujours une des régions les plus riches d'Europe. Il avait la conviction que la prospérité économique fondée sur une production agricole bien assise et sur une industrie qui – entre autres choses – transforme cette production agricole constitue, face aux calamités naturelles et aux guerres, une base beaucoup plus solide pour la richesse d'un pays que le seul commerce international.
Même de nos jours, économistes et hommes politiques sont inévitablement contraints de se demander s'il est préférable (ou indifférent) pour un pays de posséder une puissante industrie (comme l'Allemagne) ou une grande place financière internationale (comme le Royaume-Uni). L'Europe elle-même s'interroge pour savoir s'il serait sain de devenir exclusivement un producteur de services, et de laisser donc la production industrielle au reste du monde. L'économie politique classique se sentait tout particulièrement sollicitée par ce genre de questions ; la distinction entre productif et non-productif constituait une tentative pour élaborer des concepts théoriques afin de réfléchir à leur propos.
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Écrit par
- Véronique PAREL : chercheur au G.R.E.S.E., université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Francisco VERGARA : président de l'Association pour la diffusion de l'économie politique
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