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RÉVOLUTION & EMPIRE, armée

À la suite des travaux pionniers d'André Corvisier sur l' armée d'Ancien Régime, les recherches sur l'armée de la Révolution et de l'Empire se sont orientées vers l'étude sociale des soldats et des cadres des demi-brigades ou des régiments de la Grande Nation. Sans oublier, comme le soulignait jadis Marcel Reinhard et comme l'affirma aussi le général Gambiez, président de la commission internationale d'histoire militaire, que la finalité de l'armée est le combat, les historiens se sont donc interrogés sur la société militaire, ses rapports avec la société civile et avec l'État.

L'armée royale et la Révolution

L'armée royale, en 1789, comptait environ 150 000 hommes, auxquels venaient s'ajouter, en temps de guerre, 75 000 hommes de la milice, réserve de troupes provinciales recrutées dans les campagnes par tirage au sort parmi les célibataires de dix-huit à quarante ans. Armée considérable par son contingent et dont la monarchie s'était efforcée de faire, par une série de réformes, un outil de combat de qualité. L'armée était pourtant, en 1789, traversée par une crise qui rappelait, d'une certaine manière, la crise de la société civile. Les soldats engagés volontaires étaient en majeure partie des Français, et les Suisses, Allemands ou Irlandais au service de la France ne formaient qu'une minorité. Ces soldats, en provenance des régions de l'Est et du Nord, notamment, étaient des hommes jeunes (50 p. 100 des soldats de l'infanterie de ligne avaient de dix-huit à vingt-cinq ans, et 90 p. 100 avaient moins de trente-cinq ans). À côté des briscards ayant quatre ans ou plus de service, on comptait une forte minorité de soldats de fraîche date. C'étaient des paysans et, pour les trois cinquièmes, des artisans des villes ou des campagnes frappés par la crise économique, non des mendiants ou des « gens de sac et de corde ». La monarchie qui s'était essayée à les encaserner, sans y parvenir totalement, n'avait pas réussi à les dissocier complètement de la population. Celle-ci avait à l'égard des militaires une attitude mitigée de crainte et de compassion, elle ne les regardait plus en tout cas comme des gens sans aveux. Ces soldats se plaignaient de leur condition de vie. Le troupier gagnait 6 sous 8 deniers par jour, le pain coûtait 2 sous 6 deniers, et, avec ce qui restait, il fallait acheter de la nourriture, du linge et des chaussures. Beaucoup, malgré la loi, recherchaient un complément de solde en faisant de menus ouvrages pour l'habitant. Misère, indignité de la condition militaire aussi : certes, des officiers proches de leurs hommes les considéraient comme des sujets du roi ayant passé avec lui un contrat motivé et limité et se refusaient à les traiter de manière abjecte. D'autres, marqués par la défaite de Rossbach, s'étaient mis à l'école de la Prusse et pensaient que seule une discipline de fer automatisant le soldat pourrait créer une armée forte. Coups de baguette de fusil ou de plat de sabre tombaient ainsi, à la moindre peccadille, sur les épaules du fusilier ou du cavalier qui s'était rendu coupable d'une faute, même légère.

Les soldats et les bas officiers qui les encadraient se plaignaient aussi de voir le recrutement et la promotion aux grades d'officier leur être interdits par la réaction aristocratique. Un fils de paysan ayant une certaine instruction savait qu'il ne serait jamais plus que caporal ou sergent. Quant aux fils de la bourgeoisie, en dépit de leurs talents – c'était le cas de Carnot –, ils ne pouvaient espérer plus qu'un grade de capitaine. 90 p. 100 des officiers étaient d'origine noble.

L'armée était grosse de contestations, celles-ci apparurent au grand jour en 1789. Si les gardes-françaises, chargés du maintien de[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, agrégé de l'Université, docteur ès lettres

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Lazare Carnot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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