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RÉVOLUTION & EMPIRE, armée

La patrie en danger

La guerre déclarée le 20 avril 1792, la France fut bientôt envahie par les Autrichiens et les Prussiens. Les premiers combats se soldèrent par des défaites et les troupes, criant à la trahison, se débandèrent. De mai à décembre, et parfois jusqu'au début de 1793, de nouvelles levées de volontaires furent ordonnées. Point culminant : le 11 juillet, la patrie fut « déclarée en danger ». Aux volontaires se joignirent des « fédérés » venus pour défendre Paris et qui, ayant participé à la chute de la monarchie, s'en allèrent parfois vers les frontières. Des compagnies et corps francs levés par des particuliers ou des généraux, des légions formées de patriotes étrangers s'unirent à eux sur les chemins qui menaient à l'Argonne ou à la frontière du Nord. Combien furent-ils ? L'historien hésite encore à le dire tant les rôles d'engagement ou les états et situations lui manquent parfois. Le chiffre de 200 000 hommes semble être une estimation proche de la vérité.

La levée des volontaires de 1792 se fit ici dans l'enthousiasme, là dans la résignation, ailleurs s'accompagna de refus, parfois même d'un embryon de révolte. Les départements frontières donnèrent beaucoup, la Haute-Saône eut le record des engagements : huit bataillons formés en quatre jours ! À Paris, le futur canonnier Bricard raconte : « Le 3 septembre, nous nous assemblâmes à l'effet de savoir combien nous étions décidés à partir. Plusieurs y amenèrent leurs frères, d'autres, leurs amis. J'étais convenu avec mon frère Honoré de partir seul, lui resterait à Paris pour consoler notre chère mère. Il voulut, contre mes intentions, s'enrôler avec moi [...]. Arrivés à la barrière Saint-Martin, il fallut se rendre chacun à son poste ; les femmes rentrèrent dans Paris, la larme à l'œil, et nos charretiers fouettèrent les chevaux. Les plus fous d'entre nous se mirent à chanter des chansons patriotiques. »

Cette « ivresse patriotique » ne fut pas générale. Dans l'Ouest, dans le Centre et dans les Pyrénées, les bataillons se formèrent lentement et avec bien des difficultés. Les motifs furent divers et s'entrelacèrent les uns les autres sans qu'il soit toujours possible à l'enquêteur d'en établir une hiérarchie. Il y eut l'action des prêtres réfractaires auprès des communautés paysannes ; ainsi, en Bretagne, à Ploërmel comme à Josselin, l'autorité responsable dénonça-t-elle « les travaux hélas trop fructueux des infâmes calotins et de leurs adhérents et valets ». Le poids de la terre joua un rôle souvent dominant : la culture des champs réclamait tous les bras, sans eux la terre périrait, que deviendrait la patrie ? Les pauvres rejetèrent la « contribution » sur les riches : les fils de ceux-ci pouvaient partir, il leur resterait suffisamment d'argent pour acheter des domestiques pour labourer ou moissonner, alors que le petit propriétaire ou le métayer ne pouvaient songer à engager de tels frais. Ailleurs, les paysans dirent qu'ils voulaient bien défendre la patrie mais en... restant au pays, leur territoire étant sous la menace éventuelle de l'étranger. Ainsi, à Abriès dans les Hautes-Alpes, les villageois prétendirent que « leurs bras pouvaient être plus utilement employés dans le pays qu'ailleurs... ». Partir, c'était mourir déjà et des « volontaires » sur le chemin des frontières seront pris par la « nostalgie », notre moderne dépression. Enfin, pour expliquer cette réticence ou ce refus vis-à-vis du volontariat, il y avait le vieux réflexe du rejet de l'État, quel qu'il fût, s'insinuant dans la vie locale pour la dominer et exiger de trop fortes contributions. Tous ces motifs se retrouveront de 1792 à la réquisition de 1793 et à la conscription de 1798, conduisant certains à l'[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, agrégé de l'Université, docteur ès lettres

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Lazare Carnot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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