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RÉVOLUTION & EMPIRE, armée

Le soldat de l'an II, un citoyen modèle

L'idée de régénérer l'homme et le citoyen est au cœur de la Révolution française. Des siècles de « féodalisme », disait-on, avaient souillé les Français des vices propagés par l'aristocratie. La Révolution enlèverait peu à peu ces macules, l'homme retrouverait la pureté de ses origines et deviendrait un citoyen vertueux sans lequel il n'est point de République. Cette mission proposée à la Révolution le fut tout aussi bien par les sans-culottes et les Jacobins que par les députés de la Convention. L'école publique pour les enfants, les sociétés politiques pour les adultes seraient les lieux de l'éducation civique. L'armée ne pouvait-elle pas être, elle aussi, un espace de formation pour les citoyens, une pépinière de citoyens présentés aux autres comme des modèles ? Cette proposition était déjà celle du Girondin Buzot, qui déclarait à la Convention, le 14 février 1793 : « Il semble que l'élite de la nation soit dans l'armée [...]. Que les autres citoyens se modèlent sur de si beaux exemples et la chose publique est sauvée. »

Si les Montagnards voulurent que l'armée devienne un lieu où étaient lus et commentés les lois ainsi que les débats à la Convention, c'est qu'ils étaient d'abord aux prises avec deux dangers : celui du « généralat », de la dictature militaire d'un chef s'emparant de l'esprit de ses hommes ; celui des factions, et tout particulièrement de celle des « hébertistes » qui avaient pénétré l'armée où ils distribuaient Le Père Duchesne. Les Montagnards eurent, au-delà de ces contingences politiques, la volonté d'utiliser l'armée, forte de près d'un million d'hommes, et de la transformer en une vaste école de civisme. L'étude des adresses lues à la Convention, des discours faits en réponse par les Montagnards aussi bien à l'Assemblée qu'au sein des troupes par l'intermédiaire des représentants en mission, enfin l'examen des catalogues d'actes héroïques que les Jacobins firent confectionner nous renseignent sur ce que devait être la régénération entreprise.

« Bon fils, bon père, bon ami » à l'exemple du sans-culotte, le militaire devait particulièrement veiller à se tenir loin des ribaudes, fléau de l'armée, viciant de leur « venin » les soldats et leur descendance à venir. On savait le militaire trop souvent « en gaieté avec la bouteille », on lui donna en exemple le citoyen sobre, austère, retenu. Désintéressé, le vertueux soldat citoyen regardait « comme indigne d'un républicain le calcul des avantages en argent que pouvait lui procurer l'honneur de combattre pour la liberté ». Homme du peuple vertueux par son labeur, le citoyen ne volait pas, le militaire ne devait pas dépouiller l'ennemi à terre de son argent, mais de ses armes. Généreux, il devait donner le peu qu'il avait pour soutenir les pauvres et partager avec les populations qu'il délivrait le « pain noir de la liberté ». Magnanime, il commandait à sa violence et épargnait l'ennemi, du moins quand celui-ci n'était pas l'Anglais abhorré auquel on avait juré une guerre sans merci. Fuyant l'intrigue et la cabale, il était loyal et franc. De la régénération du soldat en tant qu'homme, on en vint ainsi à la formation du citoyen.

Le chef devait donner l'exemple « de la probité, de la sobriété, de la fraternité, de l'application dans ses devoirs ». Le chef, magistrat, nommé par la Convention au nom du peuple souverain, devait être pour cela même obéi, à condition toutefois d'honorer sa fonction, sinon le devoir du soldat, comme celui du citoyen, était de le dénoncer. La vigilance à l'égard des chefs fut une vertu civique.

Parmi ces citoyens[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, agrégé de l'Université, docteur ès lettres

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Lazare Carnot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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