RÉVOLUTION FRANÇAISE
La caricature, une arme politique
L'image satirique de l'époque révolutionnaire a été étudiée, dès 1792, par Boyer de Nîmes, à la fois juge et partie – il était éditeur d'un journal et monarchiste – dans son Histoire des caricatures de la révolte des Français, peu de temps avant de monter sur l'échafaud ; puis Arsène Alexandre lui a accordé une place dans son Histoire de la caricature (1892) ; enfin, André Blum publia La Caricature révolutionnaire en 1916.
Ces caricatures disent à l'envi l'importance accordée à l'événement politique et social et non aux exigences de l'art. Elles sont toutes anonymes, à l'exception de deux œuvres commandées par la Convention à Jacques Louis David. On chercherait en vain, parmi toutes ces réalisations, les traces d'un fil conducteur qui mènerait à la révélation d'une œuvre. Il s'agit, de toute évidence, d'estampes réalisées au coup par coup, en fonction des besoins de l'actualité. Rien de comparable avec l'Angleterre qui avait déjà donné un Hogarth (1697-1764) et voyait s'épanouir le talent d'un Rowlanson (1756-1827) et d'un Gillray (1754-1815), ce dernier bâtissant d'ailleurs une vaste fresque antirévolutionnaire d'une étonnante férocité aux dépens de la France. Bien que la « manière anglaise » soit particulièrement appréciée des amateurs français, elle ne fit pas école parmi les créateurs d'images satiriques.
Si 1789 est la date reconnue pour marquer le début de la production d'estampes révolutionnaires – mais quelques signes précurseurs sont visibles dès 1780 –, il y a désaccord sur la durée de la période à envisager. Se termine-t-elle en 1799, c'est-à-dire au moment du coup d'État de Brumaire ? ou plutôt en 1792, à la suite du décret du 21 juillet prévoyant des poursuites contre les auteurs de libelles et caricatures ? Ou encore la gravure révolutionnaire s'arrête-t-elle avec les caricatures commandées à David en 1793-1794 car « ce moment précis [...] la satire quitte le domaine du commerce pour rejoindre celui du discours d'État ». L'image satirique a en effet partie liée avec le commerce. Mais cette constatation s'applique à l'ensemble de la production gravée : la fabrication de « multiples » – gravure sur bois, eau-forte, pointe sèche – a toujours été associée à la volonté de créer, en marge de la peinture et pour un plus vaste marché d'amateurs, une source de profit. On peut dire qu'à cette époque la peinture – »de commande », la plupart du temps – s'achète alors que l'estampe se vend.
Quoi qu'il en soit, à partir de 1792, l'image satirique se fait plus rare et l'allégorie austère se développe, ainsi qu'en témoigne une œuvre post-thermidorienne comme Les Formes acerbes de Jean-Baptiste Marie Louvion.
Du pouvoir de l'estampe
Pendant toute la période révolutionnaire, la place occupée par l'estampe fut considérable. La consultation du Moniteur universel qui reproduit, pour l'essentiel, les discours des intervenants à l'Assemblée est, à cet égard, révélatrice. Elle permet de constater que le genre constitue, avec les arts du spectacle et la littérature, un moyen d'expression hautement apprécié, au point de faire souvent l'objet d'une rubrique spéciale comme en témoigne le texte suivant : « Arts. Gravures. Collection des portraits de MM. les députés de l'Assemblée nationale, qui se sont distingués par leur zèle pour le bien public, dessinés d'après nature, et gravés à la manière anglaise, par M. Vérité. L'auteur, persuadé que ce choix doit faire plaisir à tous les bons citoyens, en continue la suite toujours avec succès. Les portraits qui paraissent jusqu'à présent sont ceux du roi ; de MM. Bailly, Lafayette, Clermont-Tonnerre, Le Chapelier, Matthieu Montmorency,[...]
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Écrit par
- Jean-Clément MARTIN : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Marc THIVOLET : écrivain
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Médias
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