ARCHITECTURE REVUES D'
1840-1900 : l'âge d'or de la presse architecturale
César Daly (1811-1894) et la « Revue générale de l'architecture et des travaux publics » (1840-1890)
Malgré la tentative de T. Morisot, la presse architecturale française demeure inadaptée aux exigences des lecteurs ainsi qu'aux nouvelles tendances de l'architecture. Un instrument vraiment moderne, efficace, restait à créer. C'est ce que fait l'architecte César Daly, ancien disciple de Fourier et élève de Félix Duban, lorsqu'il fonde la Revue générale de l'architecture et des travaux publics (prospectus et spécimen en 1839). S'il réussit là où les autres ont échoué, c'est qu'il accompagne son projet d'une réflexion sur la fonction de la presse et conçoit son périodique comme un moyen d'information adapté à la nature de cette information. Dès l'introduction, qu'il rédige en 1840, les grandes lignes de la politique éditoriale, qui assurera la cohésion des quarante-cinq volumes de la Revue générale de l'architecture, sont en place. Après avoir rappelé combien le progrès de l'humanité était lié au développement de l'architecture et des travaux publics, Daly constate qu'en cette première moitié du siècle l'art de bâtir est en pleine stagnation du fait de l'isolement des constructeurs : « C'est la facilité de communication, c'est l'unité qui manque. » Une publication périodique doit donc servir de lien entre les hommes du métier en rassemblant un savoir éparpillé pour, ensuite, le redistribuer. La Revue générale, qui s'adresse aux architectes, aux archéologues, aux ingénieurs, aux industriels et aux propriétaires, fait appel à leur collaboration et s'ouvre à l'histoire, à la science et à l'esthétique « en vue d'un effet utile qui est le progrès pratique et réel de l'art de bâtir » (Introduction, 1840, col. 6).
Pour donner plus d'efficacité à cet instrument professionnel, Daly adopte une mise en pages claire ; le texte, réparti sur deux colonnes et fréquemment illustré de gravures sur bois, est organisé en quatre rubriques fixes : histoire, théorie, pratique et mélanges. Le format, 26 × 34, permet des illustrations hors texte de grande dimension facilitant la reproduction de détails en grandeur d'exécution et la publication de planches de parallèles (réunion sur une même planche des différents projets ou réalisations d'un même programme). Pour ces figures, Daly choisit la gravure sur acier récemment importée d'Angleterre. Cette technique, qui permet un tirage de plusieurs milliers d'exemplaires sans altération du trait (la Revue générale tirait 2 500 exemplaires en 1869), habilement maîtrisée par des graveurs de talent (en particulier L. Roux et J. J. Huguenet), convient parfaitement à une revue qui se veut avant tout technique et entend publier des planches d'une extrême précision. De nombreuses chromolithographies restituent la couleur des œuvres reproduites et témoignent du soutien de la presse au courant favorable à l'architecture polychrome.
Œuvre ouverte et collective, la Revue générale de l'architecture accueille dans ses rangs, dès 1840, les jeunes architectes qui firent bouger la tradition académique : H. Labrouste, L. Vaudoyer, S. C. Constant-Dufeux, J. I. Hittorff, équipe diversifiée qui se renouvellera entre 1851 et 1857 pour laisser la place à une autre génération de collaborateurs entrés à l'École des beaux-arts dans le deuxième quart du siècle : T. F. J. Uchard, E. Bailly, G. I. A. Davioud, C. Garnier... Eux-mêmes s'éclipseront plus tard en faveur de jeunes artistes : A. de Baudot, J. L. Pascal, Wilford-Chabrol et de nombreux autres. Ces changements se font sans heurt et mettent le périodique à l'abri de la routine et du vieillissement. L'équipe des architectes[...]
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Écrit par
- Hélène JANNIÈRE : docteur en histoire de l'art, enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Paris-Val-de-Seine
- Marc SABOYA : maître de conférences en histoire de l'art moderne et contemporain à l'université de Bordeaux-III
Classification
Média
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