ARCHITECTURE REVUES D'
Les hebdomadaires français de la seconde moitié du XIXe siècle
Si les revues mensuelles ont seules le loisir de « rassembler des séries de faits, de les classer, de dessiner l'ensemble du mouvement des idées, d'en dégager la signification et d'en faire ressortir les conséquences » (Daly, R.G.A., XIX, col. 9-10), les journaux à périodicité plus rapprochée offrent la possibilité de suivre de près l'actualité architecturale en recueillant les faits au jour le jour. Conçue sur le modèle du Builder, La Semaine des constructeurs, le premier de ces hebdomadaires français, est lancée par Daly en 1876 et paraît jusqu'en 1894. Elle se présente sous la forme d'un petit in-folio de douze pages, d'un papier de qualité assez médiocre, et propose, pour un prix modique, trente-six colonnes de texte illustrées de quelques gravures sur bois. Le but de ce nouveau journal est de se faire « l'écho des événements du jour » et de s'intéresser essentiellement à « ce genre d'informations habituellement appelées nouvelles » (prospectus, 1876). Le ton est alerte, vif, caustique avec par endroits des pointes d'humour et ouvre à la critique le champ de la polémique. Les journalistes de la Semaine prennent eux-mêmes le titre de « reporters » et entendent aller droit au but sans craindre de froisser les réputations.
La Construction moderne (1885-1922), fondée par P. Planat, ancien sous-directeur de la Semaine, souhaite renouer avec l'art architectural, domaine qu'avait négligé l'hebdomadaire de Daly qui, ironise Planat, ne se passionnait que pour les équipements sanitaires. Ce nouveau journal se fait le porte-parole de la « vraie tradition française qui était toute de clarté, de précision, d'esprit et de vie ; le contraire du pédant, du prétentieux, qui ne sert le plus souvent qu'à mal recouvrir le vide » (Planat, Introduction, 1885). Si le directeur de la revue conserve pour sa publication le grand format adopté par Daly quarante-cinq ans auparavant, il abandonne, par contre, la gravure sur acier, coûteuse et nécessitant trop d'opérations qui, selon lui, détruisent le caractère original de l'objet. Il préfère avoir recours à des procédés de reproduction modernes et fait donc souvent appel à la photographie (la grande majorité des planches du journal est composée d'héliographies).
Le recours à cette technique va contribuer à accentuer une tendance qui se dessinait dans la presse architecturale depuis les années 1870 : le froid document technique et professionnel a fait place à de belles illustrations qui privilégient les vues perspectives. Vers 1872, les plans, qui faisaient naguère l'objet de plusieurs planches, n'occupaient déjà plus qu'un coin de la gravure réservée aux élévations. Les détails techniques ne tardent pas, à leur tour, à disparaître et la représentation du monument tend à se réduire à des vues de façades. Lorsque le dessinateur pénètre dans une maison bourgeoise, il évite soigneusement le détail des lieux consacrés aux activités triviales (cuisines, toilettes...) dont les représentations abondaient dans les publications des années 1850, pour s'attarder sur les salons, les bibliothèques et les salles à manger. Sous l'influence de la photographie, les graveurs travaillent les effets de lumière et usent de la perspective diagonale. À la fin du xixe siècle, l'image de l'architecture véhiculée par les publications professionnelles a donc changé. On peut chercher une des raisons de ce changement dans l'histoire de la pratique professionnelle. Alors que se multiplient les catalogues de produits artificiels proposés par l'industrie du décor et que la concurrence des entrepreneurs se fait de plus en plus vive, il s'agirait, pour les architectes, de « rattraper une commande qui fuit » (F. Boudon) en proposant, grâce à des[...]
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Écrit par
- Hélène JANNIÈRE : docteur en histoire de l'art, enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Paris-Val-de-Seine
- Marc SABOYA : maître de conférences en histoire de l'art moderne et contemporain à l'université de Bordeaux-III
Classification
Média
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