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REVUES LITTÉRAIRES

Innombrables, les revues se remarquent tant par la diversité de leurs projets et de leurs formes que par le rôle irremplaçable qu'elles jouent depuis plus d'un siècle dans la vie littéraire. Elles ont su anticiper, accompagner et exprimer les mouvements de création et de critique littéraires les plus novateurs avec un remarquable pouvoir de fécondation et de diffusion. Une capacité qui tient aux spécificités mêmes de la revue et aux modes de création et de communication qu'elle favorise. L'évolution des pratiques éditoriales et les transformations de la vie culturelle incitent pourtant, aujourd'hui, à s'interroger sur son avenir et sur le sens et les conséquences de son éventuel effacement de la scène littéraire.

Il est surprenant, sinon paradoxal, de constater que, si l'importance des revues est généralement reconnue, elle n'est en fait que peu ou mal mise en valeur par la plupart des histoires de la littérature, des idées ou de la presse publiées jusqu'à ce jour. Soit la revue y est considérée comme une production secondaire, marginale, économiquement peu significative ; soit le travail de revue y est présenté comme une étape intermédiaire de l'activité littéraire ; soit, encore, l'apport des revues est porté au crédit de quelques-unes d'entre elles seulement : les « grandes », véritables institutions (la Revue des Deux Mondes ou La Nouvelle Revue française) qui ont tenu plusieurs décennies et générations, ou bien, dans le cas des « petites » revues avant-gardistes, celles qui une fois disparues ont trouvé une consécration académique. Ainsi, les revues surréalistes sont certainement parmi celles qui ont suscité le plus grand nombre d'études, d'expositions ou de réimpressions. Certes, il existe plusieurs travaux spécialisés, dont quelques-uns remarquables, comme ceux de Michel Décaudin sur les revues symbolistes ou d'Auguste Anglès sur les premières années de La Nouvelle Revue française ; et d'autres, sur La Revue blanche, les Cahiers du Sud, les Cahiers de la quinzaine, le Mercure de France, Les Temps modernes, etc.

Mais, hormis ces rares études sur des titres déjà fameux, le monde des revues constitue un champ de recherches et de réflexions encore largement inexploré. Cela tient pour une bonne part aux difficultés qui s'attachent à ce type d'investigation : collections incomplètes, catalogues approximatifs, archives dispersées ou perdues, témoignages partiels. Cet état souvent déplorable du patrimoine des revues ne suffit pourtant pas à justifier l'écart patent entre l'importance du phénomène revue et la relative méconnaissance dont il est l'objet. La raison principale de cette différence semble être que jusqu'à présent, sauf exception, la revue n'a jamais été considérée – et donc étudiée – comme un genre en soi, autonome, avec ses spécificités, ses rythmes, ses logiques, son économie, qui se distingue nettement du livre et de la presse, quotidiens ou magazines.

Préparée aux xviie et xviiie siècles par des périodiques comme le Journal des savants, le Mercure galant ou les Nouvelles de la République des lettres, entamée au début du xixe par les premières publications romantiques comme La Minerve littéraire, Le Conservateur littéraire ou La Muse française – tous ces titres pouvant être rangés dans les catégories de la « gazette » ou du « journal » littéraire –, la véritable émergence de la forme revue s'est manifestée aux alentours de 1830, lorsque, sous l'impact des lois sur la liberté de la presse et des progrès technologiques dans l'imprimerie, s'amorce l'essor des quotidiens et des hebdomadaires. La presse politique n'ayant alors plus besoin de se confondre avec la presse littéraire, la frontière entre le journal et la revue va pouvoir se dessiner plus nettement.[...]

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Écrit par

  • : ingénieur au C.N.R.S., rédacteur en chef de La Revue des revues, administrateur de l'Institut mémoires de l'édition contemporaine

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Médias

Ernest Hemingway correspondant de guerre - crédits : Kurt Hutton/ Getty Images

Ernest Hemingway correspondant de guerre

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