REVUES LITTÉRAIRES
Un rôle important
La revue dans l'histoire littéraire
Ces principales caractéristiques permettent de comprendre l'importance du rôle joué par les revues dans la vie littéraire (et intellectuelle) depuis plus d'un siècle. Importance d'abord pour l'histoire littéraire : « toute l'histoire des lettres et des idées y est écrite au jour le jour », soulignaient en 1924 Maurice Caillaud et Charles Forot au terme d'une enquête auprès d'environ soixante-dix créateurs et animateurs de « revues d'avant-garde » (Belles-Lettres, nos 62-66, déc. 1924). Nombre d'historiens reconnaissent volontiers combien, à partir des collections de revues, il est possible de reconstituer les opinions et le milieu (cafés, salons, réseaux, groupes...) d'un mouvement littéraire. Ainsi, lorsque Michel Décaudin étudie La Crise des valeurs symbolistes entre 1895 et 1914, il suit pas à pas l'itinéraire de certaines revues (L'Ermitage, Le Festin d'Ésope, Les Guêpes, etc.) autour desquelles se joua alors l'avenir de la poésie française.
« Il n'est point de réputation littéraire entre 1890 et la guerre de 1914 qui ne soit issue du Mercure ou qu'il n'ait contribué à former », affirmera en 1928 André Fontainas dans son livre Mes Souvenirs du symbolisme. L'importance des revues, en effet, se manifeste avec force et évidence dans la fonction éditoriale qu'elles remplissent : combien d'écrivains, parmi les plus novateurs, doivent d'avoir été « découverts » grâce aux revues – et le plus souvent aux petites revues – qui prirent le risque de les publier, de les traduire, avant qu'ils ne deviennent des classiques. Les exemples foisonnent – celui de James Joyce est certainement l'un des plus remarquables, quand on songe au dévouement passionné que déploya Margaret Anderson pour faire connaître Ulysse grâce à The Little Review publiée d'abord à San Francisco et à New York, puis à Paris, dans les années vingt.
D'autres revues ont contribué à la réévaluation de certains auteurs. Ainsi procéda Tel quel dans les années soixante, avec Artaud, Sade, Joyce ou Bataille. Autre exemple : celui de Grandes Largeurs qui, depuis 1981, s'attache à faire revivre les œuvres de Henri Calet et de Raymond Guérin. Ou encore celui de Plein Chant qui, depuis 1971, dans la lignée de Henry Poulaille et de la « littérature prolétarienne » s'emploie à publier des auteurs méconnus ou hétéroclites et des écrivains « issus du peuple ». Par ailleurs, si certaines revues ont été l'expression directe, voire sectaire, d'un mouvement littéraire, d'autres ont joué également un rôle important dans la réception critique de ces mouvements, ainsi que le montre Yves Bridel dans Miroirs du surréalisme en analysant l'accueil plus ou moins favorable fait au surréalisme dans les revues françaises et suisses non surréalistes.
Une autre fonction essentielle des revues tient à leur rôle dans la circulation des textes et des auteurs au-delà des frontières linguistiques ou culturelles. Certaines revues furent à ce titre de remarquables « échangeurs » de littératures, soit en publiant régulièrement des chroniques sur les « lettres étrangères », soit plus directement encore en traduisant des textes. On peut ainsi rappeler l'importance dans les années vingt de La Revue européenne qui, grâce notamment à Edmond Jaloux et à Valery Larbaud, se prolongea à travers la « Collection européenne » publiée aux éditions Kra, éditeur de la première série de la revue ; ou celui des Lettres nouvelles de Maurice Nadeau dans les années cinquante ; ou encore celui, aujourd'hui, de Po&sie de Michel Deguy, qui consacre une large place aux poètes du monde entier.
Cette fonction dans les échanges littéraires a été assurée également par les[...]
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Écrit par
- Olivier CORPET
: ingénieur au C.N.R.S., rédacteur en chef de
La Revue des revues , administrateur de l'Institut mémoires de l'édition contemporaine
Classification
Médias
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