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REVUES LITTÉRAIRES

Un avenir incertain

Une coupure : la Libération

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un chroniqueur de la revue lyonnaise Confluences, dressant la carte des revues alors existantes ou renaissantes, se demandait si désormais celles-ci n'avaient pas derrière elles « la plus grande partie de leur règne », et n'allaient pas rapidement être supplantées par les hebdomadaires comme Les Lettres françaises ou Terre des hommes. Le pronostic se vérifia pour les revues créées pendant la guerre et liées plus ou moins directement à l'esprit de la Résistance : l'Arche et Fontaine à Alger, Poésie 40, 41, 42... à Villeneuve-lès-Avignon, Messages à Paris, L'Arbalète ou Confluences à Lyon, etc. La plupart disparaissent dans les années qui suivent, après une brève et fatale installation à Paris, dans l'espoir de prendre la place laissée vacante par La Nouvelle Revue française. Durant l'Occupation, en effet, les revues qui dominaient la vie littéraire avant la guerre avaient connu quelques avanies : faute d'autorisation, le Mercure de France avait suspendu sa parution, et La Nouvelle Revue française s'était engagée, sous l'autorité de Drieu La Rochelle, dans une collaboration avec l'occupant, qu'elle allait ensuite payer fort cher. En dépit des difficultés d'approvisionnement en papier, de diffusion et des contraintes de la censure, les revues nées pendant la guerre, littéraires au premier chef, ont donc joué un rôle primordial pour maintenir la présence et les valeurs de la culture française, permettant à des écrivains déjà connus, tels que Valéry, Gide, Eluard, Michaux ou Aragon, de continuer à être publiés et aux jeunes auteurs d'éditer leurs premiers textes. La poésie était alors, selon l'expression de Max-Pol Fouchet qui dirigeait Fontaine, la seule « parole vierge », la « force française de l'intérieur ». De fait, de nouveaux centres d'édition et une nouvelle circulation de la vie littéraire s'étaient organisés autour de ces revues, et cette fois en dehors de la traditionnelle polarisation parisienne. Leurs locaux étaient devenus des lieux d'accueil et de rencontres extrêmement précieux pour tous les écrivains et artistes, à l'image du « grenier » des Cahiers du Sud à Marseille.

Pendant les dix années suivantes, nombre de nouvelles revues vont se créer : les Cahiers de la Pléiade de Jean Paulhan et Critique de Georges Bataille en 1946, La Table ronde de François Mauriac et 84 de Marcel Bisiaux en 1948, Empédocle en 1949, les Lettres nouvelles de Maurice Nadeau et La Parisienne de Jacques Laurent en 1953, les Cahiers des saisons de Jacques Brenner en 1955, etc. Dans son Tableau de la vie littéraire en France, de l'avant-guerre à nos jours (Luneau-Ascot, Paris, 1982), Jacques Brenner évalue à près d'une centaine le nombre de ces nouvelles publications, dont, beaucoup de poésie, créées entre 1945 et 1955. Il rappelle que lorsque La Nouvelle Revue française fut autorisée à reparaître en 1953, sous le titre de Nouvelle Nouvelle Revue française, se déclencha une sorte de « guerre des revues ». En 1947, les aînées, comme le Mercure de France et Europe, reparaissent, alors qu'avec la création des Temps modernes en 1945, sous la houlette de Sartre et l'emprise des thèses existentialistes sur la « littérature engagée », on assiste au retour de revues non exclusivement littéraires, c'est-à-dire de publications dans lesquelles le partage entre création ou critique littéraires et débats d'idées évolue en fonction de la conjoncture politique et de ses enjeux idéologiques – comme cela s'était déjà produit dans les années trente dans des revues du type Europe ou Commune, et dans la plupart des revues surréalistes.

Les revues aujourd'hui

À partir du milieu des années soixante, c'est plutôt[...]

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Écrit par

  • : ingénieur au C.N.R.S., rédacteur en chef de La Revue des revues, administrateur de l'Institut mémoires de l'édition contemporaine

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Médias

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Ernest Hemingway correspondant de guerre

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