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RHÉTORIQUE, notion de

La rhétorique désigne l'art du rhéteur, de l'orateur grec : en ce sens, elle engage une définition du langage et de ses pouvoirs. Elle est l'art de bien parler, c'est-à-dire d'agir par la parole sur un auditoire, de le convaincre par l'argumentation, mais aussi par l'émotion. Elle est donc en même temps une pratique (l'éloquence) et sa théorie. Elle tend par là à se présenter comme modèle de la réflexion sur le langage, et, partant, comme scène fondamentale pour le fait littéraire : elle implique en tout cas l'un des deux types de rapport possibles au discours ; là où la scolastique impose le commentaire, et invente le texte, la rhétorique est une « culture où la lecture est tournée vers l'écriture » (Michel Charles, L'Aube et la source, 1985).

Aussi ancienne que la rhétorique elle-même existe la dénonciation de son pouvoir : parce qu'elle est technique, art, la rhétorique peut être aussi perçue comme artificielle et trompeuse. C'est qu'elle ne définit pas le domaine du vrai, mais celui du vraisemblable ; elle n'a pas à s'occuper de la vérité, contrairement à la logique qui régit les sciences ; elle n'a pas à s'interroger sur les conditions de cette vérité, contrairement à la philosophie ; elle s'occupe du possible, et plus encore du crédible : elle est dialectique des vraisemblances (Aristote). À l'intérieur de ce possible, elle dessine l'espace du passé – l'histoire –, celui du présent – l'éloquence politique ou juridique –, celui du vraisemblable enfin, c'est-à-dire de la fiction, et de ce qui deviendra la littérature.

Le discours contre le vrai

La rhétorique est, dès le début de son histoire, opposée à la philosophie : dénonçant les sophistes, Platon condamne dans le même geste la rhétorique qui est flatterie, et par là mensonge. Cette condamnation témoigne d'un pouvoir : entre la grammaire qui dit justement et la logique qui dit vrai, la rhétorique, troisième terme du trivium défini par les arts libéraux, élabore les règles du discours public. Elle serait apparue dans un contexte à la fois juridique et démocratique, en Sicile, au début du ve siècle avant Jésus-Christ, lors de procès tenus devant des jurys populaires. Le rhéteur, c'est alors l'avocat, celui qui s'engage par le discours (logos), devant l'assemblée populaire, sur l'agora, pour défendre ou accuser. Entre le cas juridique et la façon dont il est dit, le parti pris de l'orateur (rhèma) établit sa position. Certaines règles permettent de convaincre et de persuader l'auditoire : la rhétorique se constitue en en dressant l'inventaire. Elles peuvent être esthétiques, comme chez Gorgias ; mais, à partir de Protagoras, elles s'autonomisent et ne sont plus indexées sur des vérités extérieures et transcendantes (ce pourquoi la rhétorique donne à toute chose l'homme pour mesure, ce qui causera la condamnation platonicienne). La rhétorique se lie ainsi à l'incertitude démocratique : si la bonne décision est celle qui convainc le peuple, la persuasion rhétorique sera le moyen d'établir ce consensus ; la rhétorique est relativiste.

Aristote, dans sa Rhétorique (env. 367 av. J.-C.), propose un accord de cette science du langage et de la philosophie : il partage avec les sophistes une même fascination pour le langage et sa vertu herméneutique. Entre morale et logique, le philosophe reconnaît en effet à la rhétorique une spécificité, celle qui lie la décision sur le vrai à la fois à l'autorité morale de l'orateur, à son éthos, et aux sentiments qu'il éveille dans le public, ou pathos. La règle de la rhétorique est donc d'accorder éthos et pathos dans une convenance, une justesse fondamentale (prépon grec ou decorum, aptum latin).[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres modernes, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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