RHODES
Rhodes unifiée
Le plan de la nouvelle ville aurait été établi, selon Strabon (XIV, 2, 9), par Hippodamos de Milet – ce qui revient à conférer à ce dernier une longévité peu vraisemblable, même si l'on accepte la date haute de 408 avant J.-C., que propose Diodore de Sicile (XIII, 75) pour la fondation de Rhodes. Toujours est-il qu'elle procède de cet urbanisme rationaliste dont on attribue l'invention à Hippodamos (cf. carte) : les rues, orientées suivant les points cardinaux, se croisent à angle droit ; larges de ± 5,50 mètres, elles forment un réseau plus ou moins dense suivant les quartiers, que déterminent des avenues larges de 8-9 mètres et parfois davantage (± 16 mètres). Le vaste circuit des remparts circonscrit un espace de 290 hectares, l'un des plus grands connus pour une ville grecque ; il englobe au sud-ouest une colline basse (108 mètres), l'acropole, zone de sanctuaires, de jardins et d'édifices publics (stade, théâtre ?), et, au sud-est, une vaste aire vacante capable d'abriter la population rurale en cas d'invasion. Trois ports sont établis sur la côte est, un sur la côte ouest. Le port de guerre, au nord-est, est flanqué sur ses côtés sud et ouest ( ?) de hangars (néôria) destinés à abriter la flotte qui va constituer l'instrument de la puissance rhodienne.
Le siège infructueux qu'inflige à Rhodes Démétrios Poliorcète en 305-304 avant J.-C. montre quelle force avait acquise la nouvelle cité en un siècle, malgré une vie politique très agitée : les quatre cents bateaux, les quarante mille hommes et les machines de siège extraordinaires déployées par le diadoque n'en viennent pas à bout. Il doit se retirer, abandonnant sur place un matériel dont la vente permet aux Rhodiens de faire dresser par Charès de Lindos, un élève de Lysippe, le fameux Colosse en bronze représentant Hélios, qu'un tremblement de terre renversera en 227 avant J.-C.
Les deux siècles qui suivent sont ceux de l'apogée de Rhodes antique. Sa suprématie navale est incontestée : c'est elle qui formule les règles de base du droit maritime encore en vigueur, reprises ensuite par Rome, Byzance et Venise. Respectée par les monarchies hellénistiques qui se disputent la prééminence en Méditerranée orientale, elle devient la plaque tournante du commerce de la région, jusqu'à ce que Rome ne lui suscite une rivale en faisant de Délos un port franc en 166 avant J.-C., pour la punir d'avoir pris imprudemment le parti de son ennemi Persée, roi de Macédoine. Échaudée par cet écart, Rhodes restera désormais dans le sillage de Rome, ce qui lui vaudra d'être assiégée – une fois encore en vain – par Mithridate en 88 avant J.-C., avant d'être prise et pillée par Cassius en 42 avant J.-C., lors de la guerre civile entre les triumvirs et les assassins de César.
Entre-temps, Rhodes était devenue l'un des centres majeurs de la civilisation hellénistique : les Romains venaient volontiers faire leurs études dans ses écoles renommées, auprès de lettrés tels que le poète Apollonios, le philosophe stoïcien Panaitios ou le savant Poseidonios, ami de Cicéron, tandis que ses ateliers de sculpture produisaient des œuvres majeures. La Victoire de Samothrace (Louvre) est probablement une offrande faite par Rhodes dans le grand sanctuaire de ces divinités protectrices des marins que sont les Cabires, à l'occasion de la victoire navale de Myonnèsos, remportée en 190 avant J.-C. sur le roi séleucide Antiochos III.
Mais Rhodes, dépourvue d'un marbre approprié à la sculpture, a surtout développé des ateliers de bronziers : après le pillage de 42 avant J.-C., Pline l'Ancien (XXXIV, 36) affirme qu'il restait encore dans l'île des milliers de statues... Les plus spectaculaires étaient les statues colossales devenues, à la suite du [...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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Médias
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