RHODES
Rhodes depuis l'Antiquité
Située sur la ligne traditionnelle de partage entre l'Orient et l'Occident, Rhodes n'a cessé de changer de mains durant tout le Moyen Âge : elle est envahie par les Perses vers 620, occupée par les Sarrazins de 672 à 678 et en 717-718, razziée par le sultan Haroun al-Rachid en 807... La suzeraineté byzantine n'y est la plupart du temps que nominale et le grand mouvement des croisades ne fera que changer le sens des incursions et des exactions : Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste y stationnent en 1191 pour lever des mercenaires ; de 1204 à 1240 environ, un aventurier, Léon Gabalas, s'y taille une principauté ; à partir de 1248, les Génois semblent prépondérants, jusqu'à ce que les chevaliers de l'Ordre militaire de Saint-Jean de Jérusalem, chassés de Chypre, en prennent possession en 1309.
Ils y resteront plus de deux siècles, jusqu'au 1er janvier 1523, rassemblant sous leur autorité la plupart des îles du Dodécanèse (sauf Patmos au nord et Carpathos et Casos au sud) et quelques enclaves sur le continent, comme Halicarnasse, où le Mausolée sert de carrière pour la construction, en 1404, de leur superbe forteresse. Dirigés par dix-neuf grands maîtres successifs, la plupart français, ces chevaliers, issus de toutes les nations de la chrétienté occidentale, perpétuent l'esprit des croisades en faisant régner dans ces parages stratégiques un ordre souvent brutal... Sous leur férule, Rhodes prospère à nouveau : la vieille ville, très restaurée par les Italiens, avec ses imposants remparts et ses maisons de pierre austères, date tout entière de leur domination. Lorsqu'ils se retirent avec les honneurs de la guerre à l'issue d'un long siège conduit par le sultan Soliman le Magnifique, de trois mille à quatre mille Rhodiens partent avec eux ; cinq cents environ s'établiront à Malte, où l'Ordre régnera encore de 1530 à 1798.
Après cet épisode héroïque et cosmopolite, Rhodes s'assoupit à nouveau pendant les quatre siècles de la domination turque. Celle-ci ne se termine qu'en 1912, avec la tardive guerre de conquête coloniale que mène l'Italie contre l'Empire ottoman agonisant : elle lui arrache la Libye et le Dodécanèse, qui, sous le vocable d'Isole Italiane del Egeo, va renouer avec les fastes de Venise et de Gênes. Le régime fasciste y déploie pendant vingt ans une activité intense : fouilles et études sur le Dodécanèse antique dans la revue Clara Rhodos ; restauration drastique de tous les monuments latins ; construction de bâtiments de prestige dans un style historisant qui n'est pas toujours sans charme ; installation de colons italiens dans quelques villages nouveaux. L'aventure, très mal reçue par la population grecque, tourne court en 1943 et le Dodécanèse revient enfin à la Grèce en 1947.
Dix ans plus tard commence l'essor très rapide du tourisme, favorisé par le climat, le cadre pittoresque et les infrastructures modernes mises en place par les Italiens : en marge de la vieille ville du Moyen Âge, où s'étiole discrètement une communauté turque qui n'a pas été concernée par les échanges de population de 1922 entre Grèce et Turquie, s'implante à l'ouest une ville trépidante d'hôtels, de restaurants et de bars. Aujourd'hui, l'île est en passe de retrouver son niveau antique avec plus de cent mille habitants, dont la prospérité découle de l'accueil annuel de plus de sept cent mille étrangers.
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
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